Deux conceptions de la société s'affrontent sur ce terrain comme sur les autres, bien que certaines mesures pratiques se rejoignent. Le PS prépare 7 propositions de loi sur ces thèmes, et ses intentions s'inspirent assez largement de la loi-cadre présentée un an plus tôt par les organisations de consommateurs. Le PS prévoit une réforme profonde des méthodes de distribution, une réorientation de la production grâce à une planification démocratique associant les représentants des travailleurs et des consommateurs aux projets économiques, et une réforme des structures (transformation de l'INC et création d'un ministère d'État spécialisé auprès du Premier ministre).

Christiane Scrivener a, sur le parti socialiste, l'avantage déterminant d'être au pouvoir. Pour mettre en œuvre son programme, elle devra non seulement disposer de moyens (financiers et humains) suffisants, mais elle devra aussi veiller à l'application des lois déjà en vigueur ou bientôt adoptées.

Contrôle

Certes, le service de la répression des fraudes a lancé, les 19, 20 et 21 mai 1976, une vaste opération de contrôle dans les magasins pour vérifier l'application par les industriels du décret du 12 octobre 1972 sur l'étiquetage des produits alimentaires.

Certes, le tribunal correctionnel de Versailles a condamné, le 26 mai, à 5 000 F d'amende en vertu de la loi sur la publicité mensongère. Jean Hass, président-directeur général de SAVECO qui avait imprudemment affirmé : « SAVECO, SAVECO, impossible de trouver moins cher ».

Mais il reste beaucoup à faire avant que producteurs, commerçants et publicitaires appliquent systématiquement la loi et la réglementation, et admettent la critique. Une évolution est en cours, mais elle promet d'être lente. 7 laboratoires pharmaceutiques ont renoncé, en mai 1975, à poursuivre le docteur Pradal, auteur du Guide des médicaments les plus courants : pour la première fois, les industriels de la pharmacie reconnaissent le droit du public à une information contradictoire sur leurs produits.

Les relations entre producteurs et consommateurs oscillent ainsi constamment entre le conflit et la séduction. On l'a bien vu en décembre 1975 lorsque le directeur de l'INC, Henry Estingoy, a accusé les responsables d'Antenne 2 d'avoir censuré des émissions, l'une sur les chocolats (un volume de chocolats, cinq volumes de vide dans une boîte), l'autre sur les transistors (l'achat des piles pour certains postes coûte jusqu'à 1 400 F par an), pour ne faire nulle peine aux annonceurs qui financent largement la télévision grâce aux budgets publicitaires.

Concertation

Mais les tensions font parfois place à des tentatives de concertation, voire même au lancement d'opérations-séduction. Le CNPF organise le 6 mai 1976 une journée d'étude sur le thème Informer les consommateurs, où on a pu entendre François Ceyrac affirmer que le CNPF « n'entend ni nier ni combattre le consommateur ». Les magasins de grande surface sont allés plus loin. Carrefour a lancé ses produits libres. Contrôlés par un laboratoire, assortis d'un cahier des charges précisant les normes de qualité à respecter, munis d'un étiquetage plus précis, ces produits libres ont provoqué de vigoureuses réactions des fabricants de produits de marque, suscité une réaction publique du Bureau de vérification de la publicité, qui a jugé la campagne publicitaire contestable, et incité les organisations de consommateurs à la méfiance.

Enfin, Darty a proposé aux organisations de consommateurs un tiers de ses espaces publicitaires dans la presse pour qu'elles s'expriment librement. 8 organisations ont décliné vertueusement cette proposition.

La vigilance reste donc le mot d'ordre des organisations de consommateurs, tant vis-à-vis des pouvoirs publics que des partis politiques. Même si on peut regretter leur trop grande réserve, leur crédibilité est sans doute à ce prix.