Consommation

Le consommateur devient un partenaire économique

Longtemps considérés comme des soucis essentiellement féminins (le panier de la ménagère...), les problèmes de consommation ont fait cette année une entrée en force dans l'arène politique. Certes, il y a longtemps que les organisations de consommateurs (quelle que soit leur orientation) proclamaient que la satisfaction de leurs revendications supposait des choix économiques et donc, par définition, nécessitait des orientations politiques : la création d'un droit nouveau de la consommation ne passe-t-elle pas par l'adoption d'une législation et d'une réglementation nouvelles, même s'il ne s'agit, dans certains cas, que de rajeunir ou d'harmoniser des textes anciens ?

Loi-cadre

La proposition par 11 organisations (Comité de coordination des collectivités, Confédération nationale des associations populaires familiales, Confédération nationale de la famille rurale, Confédération syndicale des familles, Fédération des familles de France, Fédération nationale des coopératives de consommateurs, Laboratoire coopératif, Orgeco, Union fédérale des consommateurs, Union féminine civique et sociale, Union nationale des associations familiales), fin avril 1975, d'une loi-cadre, assortie de textes d'application, témoigne de ce besoin de faire prendre en considération par le gouvernement et les élus les revendications des usagers.

Cette loi consacre la reconnaissance du droit de contrôle des consommateurs sur la qualité des produits, leur sécurité, leur prix, leur distribution, et la reconnaissance du droit d'expression des usagers sur les orientations de la production et les structures du marché : cette proposition de loi-cadre formule toute une série de projets : remplacement de l'Institut national de la consommation par un Institut technique de la consommation, les organisations étant seules chargées de représenter et de défendre les consommateurs : création d'un Conseil national des consommateurs, rattaché directement au Premier ministre et donnant son avis sur tous les projets intéressant les consommateurs ; création d'un Conseil supérieur de l'innovation et de la sécurité, d'un Fonds national alimenté par une taxe versée par les entreprises ; obligation pour le fabricant et le distributeur de renseigner l'acheteur ; possibilité de retrait immédiat des produits dangereux ; contrôle de la publicité et de la distribution ; accès élargi à la radio et à la télévision ; formation dès l'école maternelle des futurs consommateurs ; etc.

À la fin du mois de juin, le secrétaire d'État à la Consommation signe avec les ministres intéressés (Agriculture, Santé, Industrie et Recherche) un arrêté interdisant, à compter du 1er octobre 1976, l'utilisation dans la fabrication de produits alimentaires des 10 colorants désignés : E 103, E 105, E 111, E 121, E 125, E 126, E 130, E 152, E 181 et E 123 (amarante).

Programme

Très vite, en ordre dispersé et sans avoir toujours suffisamment approfondi ce sujet, tout nouveau pour eux, les hommes politiques et les partis s'intéressèrent à la question : citons le Nouveau Contrat social, présidé par Edgar Faure, ou la création par les jeunes giscardiens de l'Union nationale des jeunes consommateurs.

Le gouvernement, de son côté, allait tenir le plus grand compte de l'impact de plus en plus grand dans l'opinion des mouvements de consommateurs. En janvier 1976, Christiane Scrivener devient secrétaire d'État à la Consommation auprès du ministre de l'Économie et des finances.

Fort sagement, elle avoue d'emblée qu'elle connaît fort peu de chose à ces questions, mais affirme avec détermination qu'elle va se mettre au travail pour remplir la première tâche qui lui est assignée : présenter à l'approbation du Conseil des ministres un programme pour une politique de la consommation. C'est chose faite le 26 mai 1976.

Le programme, qui comporte 4 volets (sécurité, information et éducation, concertation, efficacité), est libéral dans sa conception de l'économie : « le renforcement de la position de ces partenaires que sont les consommateurs doit entraîner une amélioration du fonctionnement de l'économie de marché, et, en favorisant une utilisation plus judicieuse de nos ressources, permettre une amélioration quantitative et qualitative des conditions de vie », déclare Ch. Scrivener.

Christiane Scrivener, née le 1er septembre 1925 à Mulhouse, a fait des études de droit, de lettres et de psychologie à l'université de Paris et des études linguistiques à l'université de Springfield (Massachusetts) ; elle est diplômée de la Harvard Business School.

Projet socialiste

L'opposition n'est pas restée inactive. Le parti socialiste a même battu Christiane Scrivener d'une courte tête en présentant solennellement, le 17 mai, un programme sur les problèmes de consommation, conçu comme « un des aspects d'une politique d'ensemble », selon François Mitterrand. « La politique socialiste de la consommation est inséparable de sa politique économique et sociale d'ensemble, qui tend à réduire les inégalités. »