Un an après Chambéry. Grenoble se trouve donc reliée à la métropole lyonnaise. Ainsi, simultanément ou presque, l'autoroute blanche (celle qui doit relier Genève à Chamonix) fait un nouveau (léger) bond en avant en direction de Sallanches et du mont Blanc. Dix kilomètres, petits en apparence, mais qui ont nécessité de difficiles passages au-dessus des torrents — voire au-dessous, grâce à un pont-canal, premier ouvrage de ce type construit en France.

Moins spectaculaires sur le plan technique, les autres réalisations de la fin 1975 ne manquent pourtant pas d'intérêt :
– à la sortie de Bordeaux, une nouvelle section, longue de 25 kilomètres, s'ajoute aux 17 kilomètres déjà construits, de Laprade à Langon en direction de Narbonne ;
– entre Paris et Metz, deux nouvelles sections s'étirent : l'une sur 58 kilomètres, de Lucy-le-Bocage jusqu'aux faubourgs de Reims, l'autre sur 70 kilomètres, entre Verdun et Metz ;
– le 16 décembre, une autoroute contestée par les défenseurs de l'environnement, la B 52, assure la jonction en moins de trente minutes de Marseille et de Toulon grâce à la construction de 127 ouvrages d'art ;
– enfin, le 22 décembre 1975, l'inauguration du tronçon Chartres-La Ferté-Bernard (70 km), sur l'autoroute A 11, permettait de supprimer deux célèbres et formidables bouchons : ceux de Nogent-le-Rotrou et, bien sûr, de La Ferté-Bernard.

Si l'on ajoute à tout cela l'ouverture au trafic du pont de Saint-Nazaire, le plus grand pont à haubans du monde (3 656 m de long), qui relie les deux rives de la Loire, on constatera que l'année 1975 aura été une année faste pour les grands travaux routiers et autoroutiers.

Revers de la médaille, les usagers déploraient d'avoir de plus en plus souvent à acquitter une lourde dîme pour emprunter ces ouvrages de l'an 2000. Aussi, l'inauguration du pont de Saint-Nazaire (tarif : 23 F pour une voiture de 6 CV) comme la menace d'un péage sur l'autoroute A 4, reliant la capitale à la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, provoquent-elles des manifestations des élus et des populations concernés.

Projets

Mais, le 25 novembre, à l'Élysée, le président Valéry Giscard d'Estaing lui-même avait confirmé la poursuite, voire l'accélération du programme autoroutier, considéré comme un outil essentiel de la politique d'aménagement du territoire et de désenclavement des régions les plus défavorisées, dans l'Ouest, le Sud-Ouest et le Centre. Sont prévues notamment la mise en service dès 1979, des grandes liaisons Paris-Rennes, Nantes-Angers, Orléans-Bourges, puis, en 1980, Bordeaux-Bayonne. À quoi s'ajouteraient, au plus lointain horizon 1980-1983, Bordeaux – Narbonne, Pau – Bayonne, Paris – Bourges, Clermont-Ferrand – Saint-Étienne, Tours – Angers et Poitiers – Bordeaux.

Un programme très ambitieux si l'on considère que, parallèlement, le gouvernement décidait de lancer la grande liaison fluviale Rhin-Rhône (6 milliards de F) ainsi que la nouvelle ligne ferroviaire à grande vitesse Paris-Lyon.

Les experts : l'auto connaîtra encore de beaux jours

Vilipendée, honnie, remise en cause à l'occasion de la crise de l'énergie, l'automobile conserve pourtant, en cette période de 1975-76, la faveur de la majorité des citoyens, comme le prouvent tout à la fois la persistance des embouteillages dans les rues et sur les routes, et la reprise des ventes à la fin de 1975.

Avenir

Mais, à plus long terme, quel pourrait être l'avenir de ce mode de transport ? Telle est la question dévolue à un groupe interministériel de réflexion, constitué sous l'égide du ministre de l'Industrie, et qui fait connaître, au printemps 1976, ses conclusions :
– la tendance à l'augmentation du taux de motorisation (nombre de véhicules pour 1 000 hab.) reste forte, sauf dans les centres des grandes agglomérations.
Jusqu'à présent, l'évolution du taux de motorisation de la France a suivi, avec un certain décalage, celui des États-Unis. Les experts estiment, sur la base des tendances actuelles, que le parc automobile français pourrait atteindre son taux de saturation vers 1 985. Le taux de motorisation français se situerait alors quelque part entre le taux actuel de la France (300 voitures pour 1 000 hab.) et le taux américain (500 pour 1 000).
Cette estimation se fonde sur un certain nombre de constatations effectuées en 1975 aux quatre coins de l'Hexagone, comme dans les autres pays étrangers ;
– le freinage à l'usage du développement de l'automobile se fera surtout sentir dans le centre des grandes villes, où le seuil de saturation est déjà atteint et où la solution des transports en commun est la seule possible. C'est déjà le cas aux États-Unis, comme le prouvent les profondes différences enregistrées par exemple entre New York (190 véhicules seulement pour 1 000 hab.) et la Californie (570 véhicules pour 1 000 hab.), région où, pratiquement, chaque personne capable de conduire possède déjà une automobile. On constate le même phénomène en France ;
– en dehors des centres urbains, plusieurs facteurs paraissent favorables à la poursuite du développement de l'automobile : nouvelles tendances dans la répartition des populations sur le territoire national, évolution des revenus et des modes de vie, tendance de plus en plus marquée à la multimotorisation (c'est-à-dire à la possession de deux voitures ou plus par ménage), ce dernier phénomène (qui touche actuellement 12 ménages sur 100) se trouvant accentué par l'augmentation du taux d'activité féminine.
Ainsi, limité dans les centres urbains, l'usage de l'automobile devrait rester prépondérant dans les liaisons de banlieue à banlieue et, surtout, de ville à ville, notamment pour les déplacements liés aux loisirs, qui représentent dès à présent 50 % de la circulation automobile ;
– le véhicule automobile ne changera pas fondamentalement dans les dix ou quinze ans à venir. Bien sûr, les pouvoirs publics souhaitent que les constructeurs améliorent régulièrement la qualité des véhicules construits. Mais ils ne se font guère d'illusions sur la possibilité d'obtenir (compte tenu de la conjoncture actuelle) des bouleversements spectaculaires.