Le secrétariat d'État veut aussi faire appel à l'avis de professionnels pour l'habilitation des projets présentés par les universités. Cette procédure nouvelle choque les enseignants, qui dénoncent avec les étudiants une mainmise du patronat sur l'université.

Enfin, la préparation d'une autre réforme, celle de la formation des professeurs de l'enseignement secondaire, avive les inquiétudes et la colère des enseignants et des étudiants. René Haby, qui a réussi à imposer ses idées en la matière, entend restreindre la préparation au professorat à un petit nombre d'étudiants recrutés sur concours après deux années d'études supérieures : depuis deux ans déjà le nombre de postes à l'agrégation et au certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement secondaire (CAPES) diminue. La formation pratique des enseignants va échapper aux universités, et peut-être n'y aura-t-il pas de centres de formation de professeurs dans toutes les universités : ce qui inquiète particulièrement les plus petites, comme Amiens, Reims ou Orléans.

Grèves

L'agitation étudiante reprend de plus belle après les vacances de Pâques : les grèves s'étendent à Paris, Aix, Marseille, Lyon, Orléans, Nancy, Lille, Brest, Pau. Le mouvement culmine dans la deuxième quinzaine d'avril : une cinquantaine d'universités sont touchées, plus ou moins largement (les cours continueront sans anicroche dans un certain nombre de deuxièmes cycles).

Des étudiants de premier cycle d'études médicales ou d'écoles d'ingénieurs se joignent à l'occasion à ceux de sciences économiques et humaines, droit, lettres et sciences pour quelques jours. Les grévistes réunissent des coordinations nationales et organisent plusieurs journées d'action marquées de manifestations de rue, d'occupations d'agences pour l'emploi. Quelques-unes entraînent des incidents ou affrontements avec la police, à Toulouse. Clermont-Ferrand, Paris ou Strasbourg. Les opposants ne parviennent à mobiliser qu'un très petit nombre d'étudiants.

L'appel des étudiants à la grève générale de l'université est entendu par quelques enseignants. Surtout, les grèves renforcent l'opposition à la réforme du deuxième cycle : le 15 avril, trente-cinq présidents d'université (sur soixante-cinq) demandent le « retrait » d'une « réforme malthusienne ». Seuls les syndicats autonomes de l'enseignement supérieur, pourtant hostiles à la réforme (trop professionnelle à leur gré et laissant trop de liberté aux universités), restent à l'écart d'un mouvement qu'ils jugent « politisé ».

Concessions

Le gouvernement refuse de revenir sur le principe de la réforme (que le président de la République lui-même défend au cours d'une conférence de presse). Mais il fait, à la fin d'avril, des concessions aux présidents : Alice Saunier-Seïté accepte de renouveler quasi automatiquement les anciennes formations classiques et donne des apaisements sur les procédures d'habilitation des universités, notamment sur la composition des groupes d'études techniques qui doivent examiner leurs projets.

Les présidents, inquiets de la durée des grèves, comme les syndicats d'enseignants, ne souhaitent pas s'engager davantage. Les partis de gauche critiquent l'attitude du gouvernement, mais se bornent à un soutien de principe (la cause des étudiants depuis 1968 n'est pas vraiment populaire). L'Union nationale des étudiants de France (tendance Renouveau, proche des communistes), qui ne veut pas s'aliéner les modérés, les suit : les groupes d'étudiants d'extrême gauche, syndicaux ou politiques, qui, plus qu'elle, ont animé la grève mais exigent toujours l'abrogation pure et simple de la réforme, restent isolés.

Examens

Malgré les appels, la grève se prolonge encore en mai dans beaucoup d'universités et même jusqu'au début juin à Nantes, Rennes. Nanterre, Tours, Nice ; à Toulouse-le-Mirail, elle durera jusqu'aux examens. Les étudiants ont déserté les campus ; les grévistes, isolés, se raidissent, occupant parfois des locaux administratifs, bloquant des responsables universitaires ou se heurtant dans quelques établissements aux adversaires de la grève, les actes de violence demeurant rares cependant.