Pourquoi, demandera-t-on, en est-il ainsi ? Peut-être essentiellement parce que le monde contemporain, étant de plus en plus dur et difficile à gouverner, les pouvoirs politiques sont amenés à utiliser des méthodes répressives ou policières qui heurtent la conscience chrétienne universelle et rejettent l'Église dans l'opposition, l'obligeant ainsi à revenir à l'essentiel de sa foi et de sa mission. Il est possible d'illustrer ces marques par quelques exemples aux plans politique, éthique et spirituel.

Politique

Tandis que l'Alliance réformée mondiale (ARM, fondée à Londres en 1875) renonçait à tenir son Assemblée quadriennale, par mesure d'économie, véritable conséquence des crises de ce temps, que de nombreuses Églises nationales et le Conseil œcuménique des Églises (COE) lui-même réduisaient leurs activités pour la même raison, le protestantisme vivait, en maintes régions du monde, la « grande peur » de cette fin de siècle, dans sa chair.

À l'Est, notamment en URSS, aucune nouvelle ne pouvait être obtenue, même par le COE, du pasteur baptiste Gregory Vins, enfermé dans un camp pour des années ; des persécutions se sont abattues sur les réformés et les luthériens des pays baltes, annexés en 1945 par l'URSS.

En Afrique, la Conférence des Églises de toute l'Afrique (CETA), sous la direction des pasteurs malgache et libérien Adriamandjato et Burgess Carr, prise entre le régime d'apartheid, les combats d'Angola et la prolifération des régimes militaires, n'a pas cessé de lutter dans tout le continent pour découvrir une théologie et une éthique proprement africaines, mais aussi pour que les Églises tiennent leur place dans la construction de leur pays et, comme l'OUA, pour rechercher l'unité politique du continent. Mais cela est rarement allé sans heurts, comme au Tchad, au Congo-Brazzaville ou au Zaïre, en Éthiopie, en Ouganda, en Somalie ou en Namibie. Au point que les responsables de la CETA ont maintenu les termes et principes de leur moratoire, exigeant le départ de tout missionnaire blanc afin de ne pas être accusés de collusion avec les puissances néocolonialistes.

En Amérique latine, les régimes totalitaires et tortionnaires devenant la norme, les mouvements évangéliques de libération retournent à la clandestinité (Brésil, Uruguay, Argentine...) ; même situation au Chili, où l'évêque luthérien Helmut Frenz, coprésident avec le cardinal Silva Henriquez d'un Comité d'aide aux prisonniers et réfugiés politiques, a été expulsé.

En Europe enfin (le protestantisme étant absent d'Asie, sauf en Inde où la situation est délicate), c'est contre la volonté explicite des pouvoirs politiques, militaires et des mass média que l'objection de conscience et le mouvement non violent, suscités au départ par le protestantisme et toujours soutenus par lui, se seront développés tant en Allemagne fédérale, en Italie ou en Grande-Bretagne, en Suisse et aux Pays-Bas qu'en France même.

La tension croissante entre les gouvernements et les chrétiens (en l'occurrence les protestants) a eu pour principal mérite de leur révéler que le rôle des Églises n'est pas de s'allier d'abord aux gouvernements en place comme durant la longue ère constantinienne, mais d'avertir ces gouvernements chaque fois qu'ils portent atteinte à l'intégrité de l'homme, créé et aimé.

Alliances et Fédérations

Depuis 1875, les familles protestantes originelles se sont regroupées en : Alliance réformée mondiale (ARM), Alliance baptiste mondiale (ABM), Fédération luthérienne mondiale (FLM) et Conseil méthodiste international (CMI). Les Églises membres ont généralement adhéré aussi au COE.

Éthique

C'est encore sur le plan éthique que le protestantisme a manifesté une originalité propre, due à sa compréhension d'un Évangile qui pour lui (généralement) est puissance de libération. Ainsi dans la lutte contre le sexisme, c'est-à-dire contre la domination d'un sexe par l'autre, pendant l'Année internationale de la femme, il s'est engagé, surtout aux États-Unis, en Scandinavie et en Allemagne, pour que le plus ancien servage (souvent d'ordre psychologique) de l'histoire, celui des femmes par les hommes, soit aboli dans les faits.