En 1970, Mgr Marcel Lefebvre, ancien évêque de Tulle et ancien supérieur général de la congrégation du Saint-Esprit, fonde la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, dont il établit le siège à Fribourg, et crée non loin de là un séminaire à Écône. Il obtient alors l'approbation de l'évêque de Fribourg, bien que cette institution, désavouée notamment par l'épiscopat français, ait pris dès l'abord position contre les orientations du Concile.

Cependant, le séminaire prospère, attirant des dizaines de jeunes gens désireux de devenir prêtres aujourd'hui, en conservant le style ancien aussi bien pour leur formation théologique que dans leurs apparences (port de la soutane, tonsure, etc.). En 1975, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X ne limite plus ses fondations à Écône. Elle a ouvert d'autres séminaires à Weissbad, dans le canton d'Appenzell, et à Armada, aux États-Unis, où elle entreprend la construction d'une chapelle. Elle a créé une maison pour prêtres en Angleterre, et acquis en France un premier prieuré à Saint-Michel-en-Brenne (Indre). Ces prieurés, où s'établissent les prêtres, les frères et les religieuses de la Fraternité, veulent être à la fois des maisons de retraite et des centres missionnaires. Mais c'est au moment où Mgr Lefebvre peut se targuer de tels résultats que les procédures disciplinaires qui ont été engagées contre lui aboutissent.

En mai 1975, pressé d'agir par le Vatican, Mgr Pierre Mamie, nouvel évêque de Fribourg, retire l'approbation que son prédécesseur avait accordée.

En juillet, tous les évêques suisses se solidarisent avec lui. Le séminaire d'Écône (qui compte 104 séminaristes et 13 professeurs) devrait donc, normalement, cesser son activité (Mgr Mamie précise qu'il est disposé, ainsi que d'autres évêques, à rencontrer les séminaristes pour envisager avec eux leur avenir). Mais Mgr Lefebvre refuse d'abandonner. Évoquant la procédure engagée contre lui, il écrit alors : « Le Saint-Père a-t-il vraiment eu connaissance de ces choses ? Nous avons peine à le croire. »

Paul VI va alors intervenir directement dans l'affaire. Par deux lettres, du 29 juin et du 8 septembre 1975, il demande à l'ancien évêque de Tulle de se soumettre. Celui-ci répond le 24 septembre pour affirmer sa dévotion envers le successeur de Pierre, mais non pour annoncer qu'il s'apprête à obéir. Dans une circulaire datée de la même époque, il indique au contraire : « C'est parce que nous estimons que toute notre foi est en danger par les réformes et les orientations postconciliaires, que nous avons le devoir de désobéir et de garder les traditions. »

Le 13 février 1976 enfin, dans une interview à l'hebdomadaire France catholique-Ecclesia, il accuse le cardinal Jean Villot, secrétaire d'État, d'être un écran entre le pape et lui, et de s'opposer à sa rencontre avec Paul VI. Celui-ci riposte aussitôt par une lettre manuscrite adressée au cardinal Villot, qui dément ces allégations.

Un tel conflit du pape avec un évêque est extrêmement rare dans les temps actuels. Et celui-ci revêt d'autant plus d'importance qu'il est suivi avec une extrême attention par les milieux intégristes ou simplement traditionalistes.

Hollande

Un épineux problème de succession se pose pour le Vatican lorsqu'en juillet 1975 le cardinal Bernard Alfrink, archevêque d'Utrecht, qui atteint 75 ans, offre au pape sa démission. De précédentes nominations dans les diocèses voisins avaient été mal accueillies : Rome avait choisi des hommes jugés peu ouverts aux courants novateurs qui animent l'Église de Hollande.

Cette fois, les catholiques des Pays-Bas préfèrent prendre les devants, pour éviter toute ambiguïté et tout conflit. Dans une lettre au cardinal Baggio, préfet de la Congrégation pour les évêques, sept personnalités néerlandaises (parmi lesquelles trois anciens Premiers ministres) tracent en quelque sorte le portrait-robot de celui qui devrait, selon eux, prendre la responsabilité de l'archevêché d'Utrecht : un homme qui sache exercer son autorité sans provoquer de tensions, et qui puisse être accepté par de larges fractions de la communauté chrétienne parce qu'il n'est lié à aucun bord. Par bien des traits, d'ailleurs, ce portrait ressemble à celui du cardinal Alfrink lui-même.