Journal de l'année Édition 1976 1976Éd. 1976

Au cours de son déplacement outre-Atlantique, le président V. Giscard d'Estaing avait cru devoir avancer la proposition d'envoi d'une force militaire française de 20 000 hommes au Liban pour aider à arrêter les combats qui l'ensanglantaient. Cette proposition, mal présentée et mal reçue par toutes les parties ou presque, entamait un moment le crédit de la France auprès des nations arabes.

La politique européenne et internationale demeurait l'objet de vives critiques et de déceptions. Jadis populaire auprès des agriculteurs et même des viticulteurs, le Marché commun leur apparaissait maintenant comme une machine de guerre contre l'économie du pays. L'insistance de V. Giscard d'Estaing pour des élections européennes au suffrage universel ne rencontrait au mieux qu'indifférence. La crise dont chacun subissait inégalement les effets rendait les Neuf de plus en plus rebelles à la discipline communautaire, au point qu'on pouvait se demander à plusieurs reprises si la Communauté n'allait pas se disloquer et disparaître. Entré le 10 juillet 1975 dans le serpent monétaire, le franc français devait six mois plus tard en sortir.

En vain le président français multipliait-il les appels, les propositions, les rencontres : consultations pétrolières entre les producteurs et les consommateurs, sommet monétaire de novembre, conférence Nord-Sud de décembre, conférence de Nairobi en mai, sommet occidental de Porto Rico dans les derniers jours de juin... Le rôle de la France dans le concert tant européen qu'international restait modeste, effacé presque, et la diplomatie de la grandeur, la politique d'équilibre entre les deux hégémonies, l'ouverture au tiers monde, qui avaient été des dogmes du gaullisme et de l'après-gaullisme, semblaient un peu oubliées. D'incidents avec le partenaire allemand en accrochages avec le partenaire anglais, sans parler des conflits avec le partenaire italien, la France ne parvenait pas à dégeler vraiment ses relations plutôt froides avec l'Amérique, alors même qu'elle semblait se brouiller peu à peu avec l'Union soviétique. Elle s'empêtrait dans des contradictions, se passionnant un moment pour l'admission de l'avion supersonique Concorde aux États-Unis, puis s'émouvant de la vente de deux centrales nucléaires à l'Afrique du Sud, sans avoir mauvaise conscience d'être devenue le troisième par ordre d'importance, le premier par rapport à sa population, des fournisseurs d'armements et de matériels de guerre du monde.

Un nouvel incident, d'ordre stratégique cette fois et non plus diplomatique, surgissait aux premiers jours de juin. Des déclarations du chef d'état-major des armées, le général Méry, donnaient à penser que la doctrine militaire française avait subi une révision capitale. Au lieu de s'en tenir à la défense du sanctuaire national en pratiquant une stratégie « tous azimuts », ce qui était la politique du général de Gaulle et de Georges Pompidou et avec eux des généraux Ailleret et Fourquet, prédécesseurs du général Méry, les forces françaises pourraient désormais prendre place en cas d'agression par l'Est (seule hypothèse envisagée) dans le dispositif allié, en territoire allemand ou ailleurs. Était-ce une rentrée de fait (sinon de droit) dans l'organisation militaire atlantique que la France avait quittée il y a dix ans ? Les gaullistes en tout cas, et de leur côté les communistes, l'entendaient de cette façon et dénonçaient à l'envi l'abandon de la politique d'indépendance nationale et même d'autonomie nucléaire.

La politique suivie à l'égard des pays arabes, le soupçon d'un retour à une dépendance militaire (et demain économique, voire politique ?) envers l'Amérique, les mécomptes de la politique européenne, les incidents de parcours de toutes sortes alimentaient ainsi les attaques de l'opposition en même temps qu'ils aggravaient les divisions de la majorité.

Des élections controversées

Cette détérioration et ces tensions, peu sensibles il est vrai aux yeux des électeurs sauf en ce qui concerne les incidences du Marché commun agricole, n'avaient guère pesé sur les diverses consultations électorales de l'année, au demeurant antérieures à la plupart de ces événements. En revanche, la situation économique et sociale intérieure n'avait pas encore réellement amorcé son redressement au moment des principaux scrutins, et en particulier des élections cantonales des 7 et 14 mars.