C'est la seconde discipline, animée par un pionnier français, le docteur A. Reinberg, qui pose le plus de questions concrètes, dans la mesure où elle remet en cause la pratique actuelle de la thérapeutique médicamenteuse. Au cours d'un symposium qui s'est tenu à Nice, en octobre 1975, les spécialistes ont, à la lumière de quelques exemples, montré et l'intérêt et la valeur de la chronopharmacologie.

Dans la fameuse échelle des vingt-quatre heures (rythmes circadiens), les voies métaboliques de l'organisme ne sont pas toutes ouvertes aux mêmes heures, ni de la même façon. Les effets d'un médicament varient donc suivant l'heure de son introduction dans l'organisme (A. Reinberg). Des travaux ont déjà été menés sur différents médicaments. Le Français J. Clench a montré qu'un médicament anti-inflammatoire, utilisé dans le traitement des rhumatismes, l'indométhacine, est plus efficace s'il est absorbé entre 11 heures et 15 heures qu'entre 19 et 23 heures.

Dans le traitement de certaines maladies bronchiques de l'enfant, C. Gauthier a apporté la preuve que deux bronchodilatateurs présentent un effet maximal s'ils sont administrés la nuit ou le matin, alors qu'ils se révèlent inutiles s'ils sont pris entre 1 heure et 16 heures. Et, P. Gervais, lui, conseille même à certains asthmatiques de prendre leurs médicaments le soir au lieu du matin.

Ainsi, l'efficacité d'un médicament dépend non seulement de sa composition, mais encore de l'heure de son administration : voilà peut-être qui expliquera pourquoi certains médicaments se révèlent totalement inactifs chez certains sujets.

Les antigènes d'histocompatibilité

Science en plein essor, l'immunologie a débordé depuis longtemps son cadre original d'étude des défenses de l'organisme contre les maladies infectieuses. Les mécanismes de l'immunité concernent aussi les rapports de l'organisme soit avec les cellules cancéreuses, soit avec les tissus étrangers greffés. Ils prennent une place grandissante dans l'ensemble de la biologie, notamment dans les problèmes de l'évolution des espèces.

Les mécanismes immunitaires sont déclenchés lors de la présence de molécules particulières, les antigènes, dont il existe une grande variété. Certains antigènes sont situés à la surface des cellules ; ils font partie de la membrane cellulaire. Ils diffèrent d'un individu à l'autre. L'introduction dans un organisme de cellules étrangères provoque la production d'anticorps, alors que (dans les conditions normales) l'organisme ne réagit pas contre ses propres cellules. Les antigènes de la membrane cellulaire jouent le rôle principal dans cette reconnaissance de soi : ils sont appelés antigènes d'histocompatibilité (compatibilité tissulaire) ; c'est leur plus ou moins exacte similitude entre deux individus qui décide des chances de réussite d'une greffe de tissus.

CMH

Comme les autres constituants de la cellule, les antigènes d'histocompatibilité sont synthétisés selon un programme génétique. Chez l'homme, il est porté par le chromosome 6 ; chez la souris, par le chromosome 17. La séquence de gènes qui constitue ce programme est le complexe majeur d'histocompatibilité ou CMH. Une série de résultats est venue élargir considérablement la connaissance de ce CMH. Il ne contrôle pas seulement les antigènes majeurs de transplantation des tissus, mais aussi la réponse immunitaire en général, les interactions cellulaires immunologiques d'un même organisme, la teneur du sérum sanguin en certains composants du complément (système d'enzymes qui permet la réaction antigène-anticorps), la sensibilité à certaines maladies.

Tératome

Le CMH pourrait aussi contrôler le développement ou même le non-développement d'anomalies chez l'embryon. Plusieurs groupes de chercheurs étudient la différenciation cellulaire en prenant pour matériel d'expérimentation une tumeur du tissu embryonnaire, le tératome. À partir d'un mutant de tératome de souris en culture de cellules, le groupe de François Jacob à l'Institut Pasteur et l'équipe de Dorothea Bennet à l'université Cornell de New York ont identifié un antigène de membrane embryonnaire dont la synthèse paraît dirigée par un gène mutant du locus T. (Le locus est l'emplacement ordinaire d'un gène donné.) Ici une série de faits passionne les biologistes. Le locus T et le CMH sont situés sur le même chromosome 17, et très proches l'un de l'autre. Tous deux codent la synthèse de composants de la membrane cellulaire, et ces composants sont chimiquement très voisins.

Évolution

Les mutations qui se produisent au locus T (on en a identifié une douzaine) entraînent toutes un défaut du développement de l'embryon aux stades très précoces de l'embryogenèse. Pour que la différenciation des cellules au cours du développement embryonnaire se fasse normalement, les cellules doivent communiquer entre elles, soit par interaction de surface, soit par des messages chimiques. Il apparaît donc que le locus T code la synthèse de ces moyens de communication et de reconnaissance. Ses différents gènes sont activés de façon transitoire, au cours de l'embryogenèse, suivant un programme précis déterminant les interactions qui sont nécessaires à l'organisation des tissus.