Des expériences de collision électron-positron, menées à Stanford, ont mis en évidence une autre classe de particules déconcertantes. Elles appartiennent à la famille des leptons, c'est-à-dire qu'elles sont sensibles à l'interaction électromagnétique et à l'interaction faible, non à l'interaction forte. Mais, malgré ce nom de leptons (légers), leur masse est beaucoup plus élevée que celle des trois leptons déjà connus (électron, muon, neutrino). Ces leptons lourds pourraient expliquer certaines difficultés rencontrées par la théorie des particules charmées.

Optimisme

Au moment de quitter le Poste de directeur général du CERN qu'il a occupé durant cinq ans, le professeur Jentschke a déclaré, en décembre : « Peut-être est-on maintenant en vue des ultimes particules élémentaires de la nature (les quatre leptons et les quatre quarks), car on observe une symétrie intéressante dans le pairage des leptons et des quarks... De grandes découvertes restent à faire pour ceux qui poursuivent cet approfondissement des connaissances ; il leur réservera également bien des surprises. »

Les physiciens ne sont pas unanimes à partager l'optimisme du professeur Jentschke quant à la possibilité d'arriver bientôt à une connaissance totale des particules élémentaires. Certains pensent que quatre quarks ne suffiront pas, et qu'il en faudra plusieurs autres dont on n'a pas encore la moindre idée. Sur un point tout le monde est d'accord : c'est avec des machines permettant des collisions de particules à très haute énergie qu'on vérifiera les dernières théories et qu'on lèvera les voiles qui nous cachent encore la structure profonde de la matière.

Une autre nouvelle sensationnelle éclate en mars 1976 : au laboratoire Fermi (USA) on a observé une particule baptisée upsilon, dont la masse égale six fois celle du proton !

Les découvertes qui, depuis deux ans, bouleversent la physique et lui ouvrent des horizons nouveaux sont toutes dues aux accélérateurs les plus puissants, aux détecteurs de particules comme Gargamelle au CERN et aux anneaux de stockage qui, lançant l'un contre l'autre des faisceaux de particules accélérées, multiplient pour certaines expériences les possibilités des accélérateurs.

CERN

La construction de l'accélérateur européen de 400 GeV (dit SPS : Synchrotron à protons souterrain) entre dans sa dernière phase. En mars 1976, des essais d'éjection ont commencé avec des protons de 10 GeV provenant de l'accélérateur voisin (le synchrotron à protons de 28 GeV entré en service en 1959) ; ce faisceau a été mis au point en avril, avant les essais d'injection dans le SPS lui-même.

Dans la panoplie des détecteurs, deux grandes réalisations sont en cours. L'une est la grande chambre à bulles européenne, dite BEBC. Contenant 38 m3 d'hydrogène liquide, dotée d'un dispositif optique perfectionné et d'un électroaimant à supraconducteur développant un champ magnétique d'une intensité pouvant atteindre 5 teslas (1 tesla vaut 10 000 gauss) BEBC doit être fonctionnelle avant la fin de 1976. En même temps, on construit au CERN dix compteurs Tcherenkov, particulièrement utiles pour différencier les divers types de particules. Lorsqu'une particule d'impulsion sélectionnée (par passage à travers un champ magnétique qui ne maintient dans le faisceau que les particules ayant une masse et une vitesse déterminées) passe à travers le compteur, elle émet une lumière dans une direction faisant un certain angle avec sa trajectoire. Cet angle dépend directement du rapport de la vitesse de la particule à celle de la lumière : si on le mesure, on peut alors déterminer avec précision la masse de la particule.

Comme BEBC, les nouveaux compteurs Tcherenkov doivent entrer en service en 1976, en même temps que le synchrotron à protons de 400 GeV en cours d'achèvement.

Coup d'envoi pour GANIL

Dans le cadre du VIIe Plan, le gouvernement a accepté en septembre 1975 le projet GANIL (Grand Accélérateur National à Ions Lourds) et il a accordé 25 millions pour le démarrage. Le site choisi est Caen.