Ken Russel, cette fois, s'attaque à Liszt, adaptant très librement la vie du compositeur, dans Lisztomania, à ses propres fantasmes, plus délirants que jamais. Richard Lester s'aventure dans la science-fiction, avec L'ultime garçonnière, après s'être amusé, dans Royal Flash, à transformer Malcolm McDonald en spadassin plutôt couard traqué par Alan Bates, agent de Bismarck.

Allemagne

C'est une des évidences de l'année : la République fédérale d'Allemagne, longtemps restée en sommeil, se réveille. Pour donner notamment deux des films les plus importants de la saison 1975-1976. L'énigme de Kaspar Hauser, d'abord, une interprétation dérangeante, et très belle, par Werner Herzog, de l'aventure de cet homme-loup projeté un jour dans la civilisation. Herzog a choisi comme principal interprète un asocial inconnu, plus âgé que le personnage historique réel qu'il incarne, mais qui lui donne une saisissante vérité.

Plus actuel, plus polémique, plus controversé, L'honneur perdu de Katharina Blum, adapté d'un livre du prix Nobel Heinrich Boll par Wolker Schloendorff, est une rigoureuse et passionnante dénonciation de la presse allemande et des méthodes répressives qui frappent outre-Rhin les gauchistes réels ou supposés. Tout en maintenant un suspense policier haletant.

D'Allemagne aussi nous vient un film, La marquise d'O, hors du temps, très littéraire, dû au Français Éric Rohmer et très fidèlement adapté d'une nouvelle de l'écrivain romantique Heinrich von Kleist. Une mélodramatique histoire de jeune marquise violée, admirablement filmée et jouée, mais à laquelle on reste, malgré sa perfection formelle, assez indifférent.

Et, récompensé par le prix de la critique à Cannes, Au fil du temps, de Wim Wenders, une traversée (en noir et blanc) de l'Allemagne par deux hommes en rupture de société.

Dans un genre très différent, Rainer Fassbinder interprète lui-même, dans Le droit du plus fort, un voyou homosexuel dans une Allemagne cynique et violente. Un film qui a eu peu d'impact, de même que le troublant Karl May de Hans Syberbberg, où l'on retrouve des interprètes du cinéma hitlérien.

Pays divers

Comme d'habitude, les Français n'ont vu que peu de films venus des autres pays. Certains, toutefois, figurent parmi les plus importants de l'année. En premier lieu la Chronique des années de braise, de l'Algérien Mohammed Lakhdar Hamina, palme d'or à Cannes en 1975. Une superbe fresque lyrique où, en une succession de tableaux inspirés, revit l'Algérie d'avant guerre, celle des paysans affamés, des soldats humiliés, celle des grandes sécheresses, celle qui a conduit à la révolte. Un très beau film, mais qui, malheureusement, n'a pas eu le succès qu'il méritait.

Historique

Boudé aussi par le public, Le voyage des comédiens, du Grec Théodore Angelopoulos, est également une fresque historique sur la Grèce, de 1939 à 1952, telle que l'ont sillonnée et vécue une troupe de comédiens. Un film au souffle puissant dont on a beaucoup parlé. Du même réalisateur, mais antérieur, il faut signaler aussi Jours de 36, et, toujours de Grèce, un plaidoyer de Michaël Cacoyannis pour Chypre, Attila 74.

De Pologne, Andrzej Wajda nous a envoyé lui aussi une évocation historique, critique, mais d'une grande beauté, des débuts de l'industrialisation : La terre de la grande promesse. Et, plus inspiré qu'en France avec La bête, un conte immoral à l'érotisme laborieux, Walerian Borowczyk a tourné dans son pays un superbe mélodrame, Histoire d'un péché.

L'URSS a surpris avec un film tout entier tourné dans la salle de réunion d'un chantier, La prime, de Serguei Mikaelian. D'une discussion entre ouvriers et responsables du parti (avec de remarquables interprètes) le metteur en scène a su faire un vrai film, où l'intérêt ne faiblit pas et qui montre qu'en Union soviétique, du moins au cinéma, on peut parfois contester...

Réussite

Mais c'est de Suède que nous est venu le plus international, le plus universel de tous les films de l'année : La flûte enchantée. Tourné par Ingmar Bergman (qui depuis a quitté son pays pour en fuir les tracasseries fiscales) avec des chanteurs suédois, filmé dans un théâtre, l'opéra maçonnique de Mozart y devient accessible à tous et d'une évidente fluidité. Une gageure et une grande réussite.