Star aussi, Jean-Paul Belmondo, L'incorrigible du nouveau film de Philippe de Broca, L'alpagueur du dernier film de Philippe Labro, l'éternel superman goguenard d'un cinéma tout public. Et Alain Delon, alternant des rôles de policier flegmatique (l'inspecteur Borniche dans Flic story de Jacques Deray) et de gangster romantique (Le Gitan, de José Giovanni).

Et Lino Ventura, enfin, spécialiste des rôles de policier intègre, dans Adieu Poulet, de Pierre Granier-Deferre, mais aussi, avec plus d'épaisseur, dans le film italien de Francesco Rosi, Cadavres exquis.

Consécrations

À ces noms qui brillent depuis longtemps déjà au firmament du cinéma s'ajoutent cette année quelques nouveaux. Gérard Depardieu d'abord, définitivement consacré avec trois films : Sept morts sur ordonnance, de Jacques Rouffio, un bon sujet (les abus du mandarinat dans la médecine) traité trop schématiquement, avec une pléiade de comédiens célèbres, Vanel, Piccoli, etc.; Maîtresse, de Barbet Schroeder, une complaisante et désagréable descente aux enfers du sado-masochisme avec Bulle Ogier ; La dernière femme, de Marco Ferreri, une réflexion provocatrice sur les problèmes du couple d'aujourd'hui, qui vaut mieux, grâce à l'interprétation saisissante de Depardieu, que sa réputation de scandale due à la dernière scène du film, une castration au couteau électrique.

Patrick Dewaere, lui aussi révélé naguère par Les valseuses, s'impose cette année avec trois films : Adieu Poulet, où il ne se laisse pas écraser par Lino Ventura ; La meilleure façon de marcher, premier film original et attachant de Claude Miller, où il est un moniteur de colonie de vacances ; et le délicieux F. comme Fairbanks, de Maurice Dugowson, où il crève l'écran dans un rôle d'ingénieur passionné de cinéma que le chômage conduit à la folie.

À signaler aussi la confirmation du talent de Victor Lanoux, qui a largement participé, aux côtés de Marie-Christine Barrault, au succès de Cousin cousine, un charmant film de Jean-Charles Tachella. Et deux révélations : Patrick Bouchitey, partenaire de Patrick Dewaere dans La meilleure façon de marcher et interprète également du Plein de super d'Alain Cavalier ; et Jacques Villeret, une rondeur placide qui manquait au cinéma français, découvert par Claude Lelouch dans un film doux-amer sur le temps de l'Occupation, Le bon et les méchants, avec Marlène Jobert et Jacques Dutronc.

Interprétation féminine

Le star-system, en revanche, ne fait pas la part belle aux femmes, en ces temps d'émancipation... Seule Annie Girardot a eu la chance de porter un film sur ses épaules, Docteur Françoise Gailland, une œuvre honnête de Jean-Louis Bertucelli où, médecin, elle apprend qu'elle a un cancer.

Mais elle a moins d'importance dans Il faut vivre dangereusement, un bon policier de Claude Makowski où Claude Brasseur tient la vedette, et dans D'amour et d'eau fraîche, de Jean-Paul Blanc, qui n'a pas réédité ici le coup de maître de La vieille fille.

Isabelle Adjani n'a qu'un petit rôle dans Le locataire, de Roman Polanski, un film psychologico-fantastique qui rappelle un peu Répulsion, en moins convaincant, et qu'interprète le réalisateur lui-même. Mais François Truffaut lui a offert le personnage superbe d'Adèle H., la fille de Victor Hugo, dans un très beau film dont la pudeur, gommant volontairement tout effet spectaculaire, a malheureusement dérouté le grand public.

Le même Truffaut, cette année, donne la pleine mesure de son intelligente sensibilité avec le plus joli film jamais réalisé sur l'enfance, L'argent de poche. À rapprocher d'un des films les plus personnels de l'année, Un sac de billes, où Jacques Doillon a su raconter avec un naturel exempt de tout mélodrame l'épopée tragico-comique de deux petits garçons juifs à travers la France de l'Occupation ; et d'Un enfant dans la foule, de Gérard Blain, sélectionné pour Cannes, qui met en scène un petit garçon délaissé par ses parents à la fin de la guerre.

À signaler encore, du côté des femmes, l'élégante composition de Mireille Darc, call-girl de classe dans Le téléphone rose d'Édouard Molinaro, où elle ne fait qu'une bouchée de Pierre Mondy, parfait en petit patron racheté par les Américains ; le charme de Jane Birkin, aussi bien dans La course à l'échalote (le Claude Zidi de l'année) avec Pierre Richard, un succès de rire, que dans Catherine et compagnie, un divertissement gentillet de Michel Boisrond, ou dans Je t'aime moi non plus, premier film de son mari Serge Gainsbourg, et dans Le diable au cœur de Bernard Queysanne, agressif et très controversé.

Révélations

Deux comédiennes continuent leur progression vers le peloton de tête : Miou-Miou, qui garde son naturel gouailleur aussi bien dans le film italien Un génie, deux associés, une cloche que dans F. comme Fairbanks et dans D'amour et d'eau fraîche. Et Isabelle Huppert, découverte l'an dernier dans Dupont Lajoie. Avec des rôles encore mineurs, dans Le juge et l'assassin, et dans Le petit Marcel, premier film de Jacques Fansten, où elle est la petite amie de Jacques Spiesser, jeune garçon bien sage acculé à devenir indicateur de police, elle a suffisamment attiré l'attention pour obtenir le prix Suzanne-Bianchetti.