C'est ainsi que le ministère de la Culture française, en Belgique, cherche à favoriser l'expression de la chanson en finançant des tournées, des lieux, des artistes. Et c'est ainsi que le Premier ministre français a émis, en juillet 1974, l'idée que la chanson pourrait être utilisée pour promouvoir la langue française à l'étranger. Un prix Jeune chanson 76 a été décerné à Gérard Lenorman. Beau Dommage et Pierre Akendengué par un jury composé de personnalités de divers horizons.

Dans le même esprit, on peut noter l'opération menée par Radio-France, qui a organisé une exposition et fait venir des musiciens cajun, en avril 1976, pour resserrer les liens culturels et linguistiques entre la France et la Louisiane.

Le secrétariat aux Affaires culturelles a décidé, pour la première fois, de participer financièrement à des travaux de recherche sur la chanson. Il a subventionné dans ce but l'association Prospective Chanson, créée en automne 1975. Le résultat de ce travail, Éléments d'analyse et propositions pour la chanson d'aujourd'hui, vient d'être rendu public. Prospective est constituée des associations suivantes : Action-Chanson (qui représente des chanteurs et des collectivités), Chanson (spécialisée dans l'analyse et l'information) et le Centre Giani Esposito (action régionale d'animation et de diffusion).

À propos de régionalisation, à Grenoble, en février 1976, l'association Fellap organise avec un succès surprenant l'opération Chanson en liberté qui, sept heures durant, propose des chanteurs qui n'ont pourtant pas une réputation de facilité : Elbaz, Gougaud, Bertin, Vasca, Magny, Lavilliers... Marathon au bout duquel le public reste non seulement aussi nombreux qu'au début, mais encore aussi frais et aussi chaleureux...

Ce sont de tels spectacles (et leur succès) qui marquent l'évolution du concept de chanson. L'incompréhensible abstention des médias qui, cette année encore, sont toujours fixés sur des programmations de conformisme, risque de les couper des réalités nouvelles.

Cette abstention ne favorise évidemment pas la promotion de la nouvelle chanson, dont les interprètes, souvent peu connus du grand public, ont donc peine, sauf exceptions, à remplir les grandes salles du circuit provincial traditionnel (théâtres, cinémas). Comme par ailleurs leur notoriété ne dépasse pas, et de loin, pour beaucoup, le cadre étroit des cabarets et des Maisons de jeunes et de la culture, on comprend que l'absence de salles moyennes ne favorise pas non plus leur relation avec un public qui, pourtant, a besoin d'eux comme eux ont besoin de lui.

C'est dans cet éclairage qu'apparaît particulièrement judicieuse la décision prise par Lucien Gibarra (Blancs-Manteaux, Pizza du Marais), de rénover et de rouvrir la Cour des miracles à Paris. S'y sont déjà produits François Béranger, Pierre Louki, Jacques Bertin, Joan-Pau Verdier, Gilles Servat.

Mais tous les chanteurs marginalisés ne sont pas pour autant des chanteurs peu connus et, par conséquent, peu attractifs : ainsi de Catherine Ribeiro, qui fait régulièrement huit spectacles par mois (elle n'en veut pas plus) et dans des salles dépassant parfois plus de 3 000 personnes. Pourtant (et un tract récent s'en étonnait), bien qu'elle fasse partie des cinq artistes dits « de variété » qui attirent le plus de monde, la télévision ne l'a pas programmée une seule fois dans l'année.

Étranger

Ce tour d'horizon ne serait pas complet si, après avoir parlé du show-business, de la marginalité, de la chanson québécoise, on n'évoquait pas deux aspects de la chanson étrangère.

Le premier aspect est celui de la chanson d'Amérique latine. Surtout en vogue depuis les événements chiliens qui ont amené chez nous un certain nombre de chanteurs, exilés volontaires, elle a connu une véritable consécration avec les disques et récitals du Cuarteto Cedron, de Quilapayun, d'Isabel et Angel Parra (les enfants de Violetta) et, sur un plan strictement musical, d'Una Ramos (Théâtre de la Ville).

Le deuxième aspect est celui de la chanson d'expression arabe. Au Maghreb, comme partout ailleurs, on découvre la nouvelle chanson. Cela commence en Algérie avec une chanson d'Idir, A vava Inouva, qui a percé en France par l'intermédiaire des radios (disque Oasis) et donné lieu à une version française de David et Dominique. Puis il y a eu Mohamed Hamam, le cheik Imam (tous deux Égyptiens), le luthiste, auteur et chanteur Fawsie Al Aïedy (Iraq), le Marocain Damraoui, Djamel Allan et Aziza à la Cour des miracles, etc.