Spectacles

Musique

Gérer la pénurie

Soixante pages d'Éléments d'une politique de la musique, de l'art lyrique et de la danse rendues publiques en décembre 1975, des communiqués, des conférences de presse, des démonstrations, des inaugurations tout au long de l'année : le secrétariat d'État à la Culture et sa Direction de la Musique n'ont pas cessé de lancer de nouvelles opérations, toutes plus spectaculaires les unes que les autres.

Nous aurons donc un grand chœur de 200 amateurs et un orchestre-école près l'Orchestre de Paris, un ensemble instrumental intercontemporain spécialisé dans le répertoire du XXe siècle, sous la présidence de Pierre Boulez et sous la baguette de Michel Tabachnick, un Groupe vocal de France confié à Marcel Couraud et dont les débuts prématurés ont été quelque peu catastrophiques, un Centre national pour l'animation musicale qui devrait susciter, aider et coordonner les initiatives de pédagogie et de diffusion, un pool de matériel de percussion à Paris à l'usage des associations de musique nouvelle, une académie d'été de musique contemporaine à Pau, et quelques institutions de moindre importance.

Budget

On aurait mauvaise grâce à discuter des mesures qui s'imposaient presque toutes et qui vont dans le sens du développement musical du pays. Pour une fois qu'une politique véritable est en train de se dessiner, et même si elle bouscule tant soit peu l'ordre des priorités, il faut lui laisser sa première chance et, prendre garde de ne pas lui faire un procès d'intention. Mais il ne faut pas, non plus, que l'arbre nous cache lia forêt, une forêt des plus sombres, hélas !

Alors que les moyens accordés à la culture, qui représentaient 0,57 % du budget de la nation en 1975, sont tombés à 0,52 % en 1976 et doivent encore être amputés de 1 % de leur montant global par le ministère des Finances d'ici à la fin de l'année, on peut se demander à quoi correspondent les 256 millions de F dont dispose Jean Maheu, directeur de la musique, surtout quand on sait que 100 millions sont absorbés d'avance par le seul Opéra de Paris qui est incapable de s'en satisfaire.

Même s'il est en augmentation de 18 % sur celui de l'année précédente, le budget 1976 de la musique est loin de pouvoir assurer le développement normal des institutions existantes, et l'on peut craindre que le financement des nouvelles opérations de prestige ou seulement de nécessité ne se fasse au détriment des autres, plus obscures mais non moins nécessaires. Quoi qu'il en soit, il sera difficile de faire admettre aux intéressés que les restrictions prévues, notamment sur les subsides alloués à certaines associations de musique contemporaine, n'ont pas pour seul but de récupérer ici ce qui doit être investi ailleurs.

Mais il y a plus grave encore : il n'est pas même sûr que les entreprises nouvelles, promues à grand fracas, pourront se déployer comme il le faudrait. C'est que les meilleures d'entre elles révèlent des besoins collectifs profonds, impérieux, auxquels l'État, pour l'instant, ne peut subvenir. Les responsables expliquent en privé qu'il faut commencer par forcer la main du grand argentier dans l'espoir que l'intendance finisse par suivre malgré elle... N'importe, il n'y a pas d'exemple qu'un budget d'imagination ait tout à coup donné plus de moyens ! Et les expédients financiers auxquels a été contraint le secrétariat d'État à la Culture pour éviter la banqueroute n'ont finalement abouti qu'au désaveu implicite et au départ précipité de Gérard Montassier, directeur du cabinet de Michel Guy, et à la crise la plus aiguë que l'Opéra de Paris ait connue jusqu'à ce jour.

Opéra

Comptant sur une rallonge exceptionnelle de dernière minute, le ministre n'avait demandé au Parlement qu'une subvention de 74,5 millions pour l'Opéra, au lieu des 100 inscrits dans les prévisions de 1976. Mais, le 20 mars, au lendemain des élections cantonales, les 146 machinistes et accessoiristes du Palais Garnier décident, contre l'avis de leurs camarades, une grève le soir même où le président de la République reçoit 1 500 Français méritants à l'occasion de la première de l'Enlèvement au sérail.