Journal de l'année Édition 1976 1976Éd. 1976

Beaucoup moins onéreux, les fascicules mensuels de petit format inondent les présentoirs des marchands de journaux, offrant le meilleur et le pire.

Les planches (souvent d'origine étrangère) qui servent à leur confection sont élaborées rapidement par des dessinateurs sous-payés, éventuellement recomposées, dénaturées, mal traduites. L'infinie variété des séries proposées correspond aux goûts les plus divers (westerns, conflits mondiaux, aventures dans la jungle, histoires d'amour romantiques, récits policiers...).

Le dernier exemple de cette production nous vient d'Italie, une dizaine de publications érotico-sadiques (Lucifera, Jacula Jungla, Lucrèce, etc.) qui se diffusent mensuellement à un million d'exemplaires, ce qui permet de préjuger de l'importance de ces petits formats, dont le tirage global est difficile à cerner.

À l'opposé figurent des publications d'inspiration catholique, dont Pomme d'Api et Okapi (Bayard-Presse), qui tentent le pari d'une recherche qualitative dans le texte et le graphisme.

La diffusion de ces deux titres, et quelques autres de même inspiration (beaucoup par abonnements), montre la permanence d'un courant chrétien non négligeable dans les publications destinées à la jeunesse.

Journaux

Dans les quotidiens, support traditionnel, la bande dessinée continue de figurer en bonne place. De nombreux lecteurs ont toujours tendance à ouvrir leur journal à la page où s'étalent les vignettes illustrées.

On s'en tient le plus souvent à des styles et des recettes éprouvés, en faisant appel aux séries américaines déjà anciennes (Blondie, La famille Illico, Le fantôme) ou françaises déjà bien connues (Astérix, Lucky Luke).

Le Parisien libéré reste fidèle à la vieille formule des bandes verticales, dont Pierre Lazareff eut autrefois l'idée parce qu'elles évoquaient le déroulement d'un film cinématographique. L'abandon par France-Soir des institutions qu'étaient devenus Le crime ne paie pas et Les amours célèbres aurait fait perdre à ce quotidien des milliers de lecteurs.

Dans ce domaine, l'innovation, qui bouscule des habitudes ancrées depuis des années chez le lecteur, est rarement bien acceptée. Pourtant France-Soir a misé sur la qualité en publiant les Peanuts, Corto Maltese et Blanche Épiphanie (de Lob et Pichard). Il faut aussi mentionner l'initiative de Sud-Ouest, ouvrant ses pages à une série de Tardi (Les aventures d'Adèle Blanc-Sec) à partir de janvier 1976.

Le Monde (sauf exception déjà mentionnée) et Le Figaro s'abstiennent d'inclure dans leurs pages des bandes dessinées. L'Humanité n'a pas encore trouvé des créateurs de la qualité de Guido Buzzelli, publiant dans l'Unita une série remarquable sur la guerre du Viêt-nam (I Partigiani della giungla).

Sujet d'amusement, élément de rêve ou support de contestation, la bande dessinée épouse les formes diverses, la vie et les tensions de notre société. Au-delà des différences de style ou d'inspiration, la BD, qu'elle cherche à s'adresser au jeune public, aux adultes ou aux deux à la fois, s'est assuré des facultés de renouvellement qui préjugent d'un bel avenir.

Le lecteur ne s'en plaindra pas...