Au-delà des causes particulières et des carences du réseau commercial, ce n'est pas un procès de l'autogestion. Le système doit être renforcé. Un projet de loi à l'étude doit attribuer non plus à l'État, mais aux travailleurs « mutuellement associés » la propriété collective du capital.

Opposition

Cette perspective a peu de chances de satisfaire tout le monde. Les dirigeants politiques se sentent menacés par un double front intérieur qui, selon eux, a de puissantes ramifications à l'étranger. Derrière les deux grands courants de l'opposition, le kominformisme et le séparatisme, se profilent d'une part l'ombre de Moscou, de l'autre celle des émigrés politiques de droite (Oustachis, Croates, Tchetniks serbes, Clerico-slovènes, nationalistes macédoniens et albanais). Pour divers qu'ils soient, ceux-ci ne désarment pas et entretiennent un climat de terrorisme qui fait redouter, à la mort de Tito, l'éclatement de la Yougoslavie. Situation que pourrait alors alléguer l'URSS pour ramener brutalement le pays dans une stricte obédience.

D'où le double comportement du gouvernement. À l'intérieur, une cascade de procès et de lourdes sentences. À l'extérieur, une politique de charme à l'égard des « émigrés économiques » (1 400 000) pour éviter leur collusion avec les émigrés politiques : représentation consulaire renforcée, clubs, écoles de langue et d'histoire nationale pour les enfants d'émigrés.

Parallèlement, le régime renforce encore son système de « défense populaire ». Au côté de l'armée régulière, des unités territoriales englobant hommes et femmes subissent un entraînement quasi quotidien avec simulacres d'attaques aériennes et de blindés. L'objectif est d'annihiler toute tentative de « percée fulgurante » et d'imposer à l'éventuel envahisseur une guérilla de longue haleine.

Rapports

Cette volonté d'indépendance pousse le maréchal Tito, malgré son âge et sa santé, à entreprendre un périple en Amérique latine. Il y a rencontré Castro, prôné l'union de toutes les forces progressistes pour aider le Viêt-nam, le Laos, le Cambodge, l'Angola. Réfractaire aux blocs, la Yougoslavie estime que la Chine fait « contrepoids à l'impérialisme et à l'hégémonie ». Dans un même désir d'équilibrer ses rapports internationaux, la Yougoslavie développe ses échanges avec la France (visite du Premier ministre Djemal Bijedic à Paris en février, invitation à Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac). Les querelles d'ethnies avec l'Autriche s'apaisent. Des ombres subsistent avec Bonn ; Tito accuse la RFA de tolérer sur son territoire des extrémistes nationalistes (assassinat du consul de Francfort, le 7 février).

Restent les rapports ambigus avec l'URSS. Fin 1975, ils manquaient pour le moins d'enthousiasme. Mais les 29 et 30 juin 1976. Tito, pionnier du communisme propre à chaque État, se rend au Sommet des PC européens. Il y assiste à la reconnaissance officielle par l'Union soviétique de l'égalité entre partis frères et de leur indépendance à l'égard de Moscou. Triomphe pour le vieux lion yougoslave longtemps considéré comme hérétique.