Le PCI cherche à éviter que la consultation ne tourne au référendum pour ou contre sa participation au gouvernement. Le PSI craint que, si l'affrontement devient trop violent, l'attention ne se polarise uniquement sur la DC et le PCI. Ces deux partis tombent d'accord pour affirmer la nécessité d'un gouvernement de salut public dont la majorité comprendrait à la fois la DC et le PC, mettant ainsi au second plan les perspectives à long terme sur lesquelles ils sont en désaccord. La DC reste sur ses positions.

Il est visible dès le départ que personne ne se hasarde à formuler un programme. Les élections devront déterminer la force de chacun des partenaires dans la négociation générale qui suivra nécessairement.

Les partis cherchent à se donner un visage nouveau et sollicitent des personnalités. On se demande un moment si Giovanni Agnelli va entrer dans la politique en se présentant sous les couleurs du parti républicain. Mais le chef de la famille annonce qu'il se réserve pour les élections au Parlement européen. Son frère cadet Umberto, administrateur délégué de la Fiat, se présente à Rome pour le Sénat dans les rangs de la DC.

Le PCI présente sur ses listes de nombreux indépendants, parmi lesquels un général qui a fait partie des états-majors de l'OTAN, Altiero Spinelli, ancien président de la Commission de la Communauté européenne, cinq intellectuels catholiques et un pasteur.

Le geste des cinq catholiques, tous très connus comme membres actifs de l'Église, provoque une vive réaction de la part du pape et des évêques, qui prononcent le mot de trahison et appellent les catholiques à rester unis et à ne pas appuyer des mouvements dont l'idéologie est athée. C'est le premier éclat dans cette campagne morose.

Subversion

Dans les trois semaines qui précèdent le vote se succèdent ensuite des incidents sanglants portant la marque de la subversion. Le 29 mai, au cours d'un meeting à Sezze, près de Rome, un des plus extrémistes parmi les députés néo-fascistes, Sandro Saccucci, tire des coups de feu en l'air et des hommes de son escorte tuent un jeune communiste. Huit jours après, au centre de Rome, cinq néo-fascistes sont blessés par balles au cours d'une échauffourée avec des jeunes d'extrême gauche. Le 4 juin, tandis que le Parlement lève l'immunité parlementaire de Saccucci, que son parti a désavoué, à Gênes le procureur général Francesco Coco est assassiné dans la rue ainsi que les deux agents qui l'escortaient. Le crime, œuvre de tueurs particulièrement entraînés, est revendiqué par les Brigades rouges.

Les derniers jours de la campagne, enfin, sont animés par des polémiques autour du scandale Lockheed. Sur des nouvelles venues des USA, où s'est rendu le président de la commission parlementaire d'enquête, les communistes demandent la démission du ministre des Affaires étrangères Mariano Rumor, pour faciliter, disent-ils, la recherche de la vérité sur les soupçons qui pèsent sur lui.

Pourtant, la campagne électorale s'achève sans explosions cléricales ou anticléricales, sans vagues de violence et sans atmosphère de scandale. Les 20 et 21 juin, l'Italie vote dans un climat de gravité où tous ont l'impression qu'une époque ouverte par les élections de 1948 est en train de s'achever.

Polarisation des électeurs sur la démocratie chrétienne et le parti communiste, dur échec des socialistes, qui voient s'évanouir leur espoir d'élargir leur place entre les deux colosses, entrée au Parlement d'une poignée de représentants des radicaux et de l'extrême gauche : ce sont les trois traits caractéristiques du résultat des élections législatives, anticipées d'un an, qui se déroulent en Italie les 20 et 21 juin 1976.

La DC a retrouvé son niveau, constant depuis 1953, de 39 % (en incluant son petit satellite germanophone du Sud-Tyrol) ; elle perd cependant trois sièges à la Chambre. Le PCI fait par contre un bond en avant par rapport aux élections législatives de 1972 (48 sièges de plus à la Chambre et 22 au Sénat). Le centre de gravité du Parlement se trouve nettement déplacé vers la gauche ; il n'y a plus de majorité possible au centre droit.

Effondrement

Le parti socialiste perd 4 sièges à la Chambre et autant au Sénat. C'est l'écroulement des projets qu'il avait construits sur les résultats du référendum sur le divorce de 1974 et des élections régionales de 1975. C'est l'effondrement peur le parti social-démocrate, qui perd 14 sièges sur les 29 qu'il avait à la Chambre, et pour le parti libéral, qui en perd 15 sur 20. Les néo-fascistes, de leur côté, perdent 21 sièges de députés sur 56.