Journal de l'année Édition 1976 1976Éd. 1976

La clef du VIIe Plan réside dans la volonté du gouvernement de réduire le chômage sans ralentir les gains de productivité. Car un ralentissement de ces gains, qui aurait pu permettre de créer des emplois supplémentaires (puisque chaque travailleur produirait un peu moins), aurait pour conséquence d'élever le prix des produits français à l'étranger et donc de rétrécir nos débouchés à l'extérieur. Quand on sait que 2 Français sur 10 travaillent pour l'étranger, on voit que la fermeture des débouchés extérieurs se traduirait, en fait, par des pertes d'emplois en France. C'est-à-dire que la raison pour laquelle on réduirait les gains de productivité aboutirait à des résultats qui la contrediraient : il y aurait moins d'emplois.

Priorités

Les syndicats trouvent que 600 000 chômeurs en 1980, c'est encore beaucoup trop. Ils reprochent, en outre, au Plan de donner la priorité à la croissance des bénéfices des entreprises : 5,8 % par an (en valeur réelle) contre 4,7 % pour les agriculteurs et 3,9 % pour les salariés. Le gouvernement se défend en disant que les entreprises ne créeront pas d'emplois si elles ne reconstituent pas leurs marges bénéficiaires. Les syndicats trouvent aussi que l'on ne va pas assez vite dans l'abaissement de l'âge de la retraite (le Plan ne prévoit pas la généralisation de la retraite à 60 ans pour 1980) et dans la réduction de la durée du travail (celle-ci pourrait, cependant, tomber à 39 heures par semaine dans certaines industries en 1980).

Sur l'ensemble de la période, 1 100 000 emplois nouveaux seraient créés, dont 200 000 dans l'industrie et la plus grande partie dans les services (administrations, commerces, transports, etc.).

En réalité, la France se trouve dans une période tout à fait exceptionnelle de son histoire. Pour la première fois — et pour peu de temps — nous cumulons des générations pleines chez les jeunes et des générations creuses chez les anciens. Ce sont les classes nombreuses de l'après-guerre qui arrivent à l'âge du travail, tandis que ce sont les générations nées pendant la Première Guerre mondiale qui parviennent à l'âge de la retraite. Il y a donc beaucoup plus d'entrées que de sorties sur le marché du travail. Mais cette situation ne durera pas.

Emploi

À partir de 1980, les départs en retraite seront beaucoup plus nombreux, et, à partir de 1985, on verra arriver sur le marché du travail les nouvelles générations à faible taux de natalité. Le déclin est en cours depuis 1964. Pour la première fois depuis la guerre, en 1975 le nombre des naissances ne permet pas d'assurer le remplacement des générations. C'est encore plus grave en Allemagne qui, depuis plusieurs années, compte plus de décès que de naissances ; le même phénomène est apparu en Grande-Bretagne, en 1975.

Dans ces conditions, l'Occident pourrait manquer de main-d'œuvre dans dix ans. Et le ralentissement de la croissance ne serait plus, alors, une cause des difficultés d'emplois ; ce seraient ces dernières qui deviendraient une cause du ralentissement de la croissance. En dix ans, l'Occident peut repasser du sous-emploi au sur-emploi.

Compte tenu de tous ces aléas, ce ne sont pas les objectifs économiques globaux du VIIe Plan qui en constituent les véritables originalités.

Sa principale qualité est de mêler beaucoup plus étroitement que dans le passé les objectifs économiques et les objectifs sociaux. Les seconds ne sont plus présentés comme une simple conséquence des premiers. Agrandissez le gâteau, et on fera à chacun une plus grosse part ! La manière dont le gâteau est découpé devient un préalable à la façon de le faire grandir.

Engagement

Le VIIe Plan s'inscrit dans une perspective de réduction des inégalités dont le rapport Méraud avait tracé les grandes lignes au printemps 1975. Beaucoup trouvent que le Plan est encore bien timide à ce sujet. Les débats sur l'imposition des plus-values ont montré qu'il n'était pas facile d'avancer très vite dans cette direction.

La deuxième originalité du VIIe Plan est l'engagement pris par l'État de consacrer certaines sommes (au total 200 milliards de F sur cinq ans, soit l'équivalent des deux tiers d'un budget annuel) à des actions prioritaires. C'est la première fois, depuis l'origine du Plan, que l'État prend l'engagement de faire de telles dépenses, quoi qu'il arrive. Cela répond à une critique souvent formulée à rencontre de la planification française : elle fixe des objectifs généraux précis, mais qui n'engagent personne ; et pour les objectifs particuliers concernant l'État, celui-ci n'a aucune obligation. Ce sera moins vrai dans le VIIe Plan.