L'armée n'a pas encore ouvertement pris parti dans la querelle, mais, fin mai, 7 commandants de districts militaires sont changés. Ce qui n'empêche pas la technologie de progresser : dans l'année 2 essais nucléaires et 3 nouveaux satellites. Depuis 1970, il y a eu 5 satellites, et, depuis 1964, 18 essais nucléaires. On attribue à la Chine 50 missiles de portée 1 500 km et des fusées de portée 3 800 km utilisables contre l'URSS. En 1980, seulement, elle disposerait de missiles de portée 9 000 km dirigés aussi contre les États-Unis.

Dans le même temps, le Ve Plan quinquennal est lancé par d'énormes congrès sur l'agriculture, l'industrie charbonnière, etc. La production annuelle de céréales atteint presque 300 millions de t, l'extraction de charbon 500 millions, le pétrole 100 millions de t de brut. Soit 10 fois plus qu'il y a dix ans.

Et, dans dix ans, ces 100 millions de t doivent être encore multipliés par 4 ou 5, la Chine populaire devenant l'un des plus grands producteurs et exportateurs de pétrole du monde. Ainsi progresse l'économie malgré les troubles qui l'ont menacée ici et là ; on connaît seulement en juillet 1975 les émeutes de Hangchow, où il a fallu envoyer plus de 6 000 soldats dans une dizaine d'usines pour rétablir l'ordre. Une demi-douzaine d'autres provinces (on l'apprendra plusieurs mois après) ont également été secouées par les violences d'ouvriers qui réclament de meilleures conditions de vie.

Idéologie

C'est une illustration du vaste débat entre les deux lignes. D'un côté, les idéologues révolutionnaires qui chambrent Mao, s'abritent derrière sa caution et profitent du 10e anniversaire de la Révolution culturelle pour la relancer, avec l'aide des grands moyens d'information (le Quotidien du peuple, Agence Chine nouvelle, radio) ralliés à leur camp. De l'autre, les réalistes, baptisés par leurs adversaires droitistes engagés dans la voie capitaliste, coupables d'économisme. Ceux-là voudraient appliquer le rapport-testament lu par Chou En-lai lui-même, devant le nouveau Congrès du peuple en janvier 1975 : faire de la Chine, avant la fin du siècle, une grande puissance économique mondiale. À leur tête, le successeur que Chou s'est choisi pour son réalisme, justement, et son efficacité : Teng Hsiao-ping, à qui les dazibao (affiches manuscrites) rappelleront cent fois avant sa chute qu'il a dit : « Blanc ou noir, un bon chat est celui qui attrape les souris » ou encore : « Peu importe qu'on escalade une montagne par la face sud ou la face nord, l'important est qu'on atteigne le sommet. »

À rapprocher d'une autre cible des révolutionnaires, le ministre de l'Éducation Chou Jung-hsin, mort, sans doute en mai, après avoir disparu au soir des obsèques de Chou En-lai. On lui reprochait de tenter « d'adapter le système d'éducation aux besoins de l'économie », car « les étudiants qui sortent actuellement des universités ne savent même pas écrire ». Alors, Teng croit s'en tirer en préconisant de « prendre les 3 directives comme axe » (sous-entendu, les 3 directives du président Mao) :
– Étudier la dictature du prolétariat, combattre et prévenir le révisionnisme ;
– Encourager stabilité et unité ;
– Faire décoller l'économie nationale.

En fait, par un habile amalgame, il cite la première pour insister sur les deux autres. À quoi Mao lui-même répond le 24 février en publiant cette apostrophe dans le Quotidien du peuple : « Qu'est-ce que c'est que cette invention : prendre les 3 directives comme axe ! » Et il insiste sur la première seule. Deux jours plus tard, pour la première fois, apparaît en clair sur les affiches manuscrites le nom de Teng « malin aussi sournois qu'un renard ». Pas plus malin peut-être, après tout, que son successeur Hua Kuo-feng, moins idéologue que technicien de l'économie et de l'administration.

Coexistence

Sur le terrain diplomatique, la Chine continue à accuser l'Union soviétique des pires intentions belliqueuses auprès des responsables des 102 pays (2 fois plus qu'en 1971) qui ont noué des relations diplomatiques avec Pékin.