Les péripéties des élections primaires, l'exploitation par les adversaires de Ford des déboires, des incertitudes et des contradictions de la politique étrangère américaine vont amener le chef de l'exécutif et son secrétaire d'État à un raidissement sensible ; en mars, Ford annonce qu'il raye le mot détente de son vocabulaire et qu'il le remplace par la périphrase peace through strength (la paix par la force, la paix grâce à la puissance).

Durcissant le ton, les deux hommes multiplient les avertissements à l'URSS, à Cuba, au tiers monde et, à plusieurs reprises, s'élèvent contre l'éventualité d'une participation au pouvoir des partis communistes en Europe occidentale.

Ce regain de fermeté ne suffit pas, il s'en faut, à apaiser les candidats à l'investiture des deux grands partis pour les présidentielles de novembre 1976. La conjoncture économique étant plutôt favorable à Ford, ceux-ci font porter toutes leurs attaques sur le terrain de la politique étrangère. Ronald Reagan du côté républicain, Jimmy Carter, Henry Jackson et George Wallace dans le camp démocrate dénoncent jour après jour la passivité de l'Administration face au communisme, les gaffes du Département d'État dans l'ancienne province africaine du Portugal, les faiblesses de l'équipe Ford-Kissinger à Chypre, en Turquie, en Grèce, au Proche-Orient, à Panama.

L'affaire de la doctrine Sonnenfeldt, qui éclate en avril grâce à des fuites, apporte de l'eau à leur moulin. Helmut Sonnenfeldt, un des conseillers les plus influents de Kissinger, aurait dit en effet, en décembre, aux ambassadeurs des États-Unis réunis à Londres qu'il fallait s'efforcer de substituer aux actuels rapports de forces des liens « organiques » entre les pays de l'Est européen et les États-Unis. En dépit des mises au point officielles tendant à minimiser la portée de ces propos malheureux, les révélations sur cette prétendue doctrine sont immédiatement amplifiées auprès des millions d'électeurs originaires d'Europe centrale par la plupart des prétendants à la Maison-Blanche.

Reprise

C'est au début de l'été qu'apparaissent les premiers signes d'un assainissement de la vie économique : en juillet, le taux de chômage revient de 8,6 % à 8,4 %. Divers indices semblent indiquer qu'une nouvelle phase d'expansion pourrait mettre fin à la récession la plus grave que les États-Unis aient connue depuis la guerre.

Le président Ford déclare prudemment, en août, qu'« il ne faut pas tenir le redressement pour acquis ». Le mouvement de redémarrage, il est vrai, reste encore faible, mais le dollar connaît une hausse qui fait progresser la devise américaine d'environ 10 %, la balance des paiements s'améliore, les revenus des particuliers augmentent et la hausse du coût de la vie se ralentit (+ 0,2 % : c'est le chiffre le plus faible depuis 1973).

Et puis le rythme s'accélère : le produit national brut atteint, au cours du troisième trimestre de 1975, un taux annuel d'expansion de 11,2 %. Il faut remonter vingt ans en arrière pour trouver croissance aussi rapide.

Dans les mois qui suivent, quelques ombres ternissent ce tableau prometteur : en octobre, le taux de chômage remonte à 8,6 %. En novembre, la hausse des prix de gros (1,8 %) est la plus élevée depuis un an. En février, les conseillers économiques du président Ford n'hésitent pourtant pas à affirmer dans leur rapport annuel que le pays est en train de sortir de la crise.

Les faits leur donnent raison : le bilan du premier trimestre de 1976 se révèle plus satisfaisant encore que ne le prévoyait l'Administration au début de l'année. Le pourcentage des chômeurs par rapport à la population active tombe, en mars, à 7,3 %, ce qui signifie que les effectifs de l'emploi se sont accrus de plus d'un million de personnes depuis la période équivalente de 1975. L'inflation demeure une menace qui pèse dangereusement sur l'économie, mais son ralentissement se confirme. L'indice des prix de détail, par exemple, ne dépasse pas 0,1 % en février et 0,2 % en mars.

Dans certains secteurs clés, le ton est à l'optimisme : le bâtiment enregistre en mars une augmentation sans précédent des mises en chantier de logements (+ 27 %) ; l'industrie automobile, qui avait dû diminuer sa production de 8,3 % en 1975, sort de ses chaînes 65 % de voitures de plus qu'un an auparavant, et les ventes progressent de 35 %.