La signature de l'acte final de la réunion d'Helsinki, le vol spatial américano-soviétique Apollo-Soyouz, les voyages de Gerald Ford en Pologne, en Roumanie, en Yougoslavie témoignent de la volonté des dirigeants américains de développer la coopération et les échanges avec le monde communiste.

Le climat, pourtant, ne va pas cesser de se dégrader, et l'euphorie apparente de l'été laisser rapidement place à un profond désenchantement. D'abord, en souscrivant à l'acte final d'Helsinki, Ford n'a fait qu'aviver les craintes et les réserves des dirigeants chinois quant aux conséquences de la détente. Ces derniers redoutent un trop grand rapprochement entre les deux superpuissances et ils vont, dans les mois qui suivent, multiplier les mises en garde à ce propos : lors du voyage préparatoire à Pékin de Kissinger, en octobre, puis du voyage officiel de Ford en décembre. La froideur relative de l'accueil, l'absence d'un communiqué à l'issue de la visite refléteront bien leur mécontentement.

En recevant Richard Nixon en homme d'État, les Chinois afficheront également, en février, leurs préférences pour la façon dont l'ancien président concevait et pratiquait la politique de coexistence avec l'URSS et leur propre pays.

À l'intérieur des États-Unis aussi la détente est l'objet de critiques de plus en plus vives. En juillet, le président de la puissante centrale syndicale AFLCIO, George Meany, affirme : « Les gens qui dirigent notre politique étrangère ne comprennent pas (...) que les Russes ne concluent pas des accords avec l'intention de les respecter et que ces accords n'ont strictement aucun sens pour eux. » Peu après, les syndicats de dockers reçoivent la consigne de ne pas charger les céréales vendues par les États-Unis à l'URSS. Ce mouvement de boycottage va durer de longues semaines.

En octobre, un double accord commercial est conclu néanmoins entre Washington et Moscou : entre 1976 et 1981, les États-Unis vont vendre chaque année au moins 6 millions de t de céréales et acheter à l'Union soviétique 10 millions de t de pétrole brut et raffiné. Mais cet accord est vite éclipsé par les difficultés que rencontrent Ford et Kissinger dans de nombreux secteurs : vaine recherche d'un compromis avec l'URSS sur les armements stratégiques, dégradation des relations avec Cuba, vote de l'ONU favorable aux thèses palestiniennes et condamnation du sionisme par l'Assemblée générale des Nations-Unies, succès des forces procommunistes en Angola.

Au demeurant, l'étoile du secrétaire d'État pâlit de mois en mois. Au début de l'automne, Kissinger est accusé d'avoir, six ans plus tôt, ordonné des écoutes téléphoniques. Puis une commission de la Chambre des représentants recommande qu'il soit poursuivi pour « mépris du Congrès » à la suite de son refus de fournir aux parlementaires intéressés des documents prouvant, selon certains, que les Soviétiques ont violé plusieurs clauses des accords SALT, conclus en 1972. En décembre, une commission sénatoriale d'enquête le, met, elle aussi, en cause à propos de la caution qu'il aurait apportée aux activités menées par la CIA au Chili jusqu'en 1973. Peu auparavant, le 3 novembre, Henry Kissinger s'est vu privé par Ford de ses responsabilités à la tête du Conseil national de sécurité. Le même jour, le remaniement de l'équipe gouvernementale se traduit également par la nomination à la Défense de Donald Rumsfeld, jusque-là secrétaire général de la Maison-Blanche, à la place de James Schlesinger. Un Schlesinger qui ne tardera pas à critiquer à son tour la « politique de l'autruche » de Gerald Ford, incapable à ses yeux de comprendre que l'Union soviétique profite de la détente pour augmenter de façon considérable son potentiel militaire, particulièrement en Europe de l'Est.

La victoire en Angola du MPLA, en décembre, aidé par les Soviétiques et les Cubains, ne semble plus faire de doute. Comme quelques mois plus tôt, lors du drame indochinois, Ford et Kissinger sont impuissants à arrêter le cours des événements. Les mises en garde du secrétaire d'État à Moscou sont repoussées sans ambage par les Soviétiques, et ses déclarations selon lesquelles « les États-Unis ne peuvent rester indifférents à ce qui se passe dans cette région du monde » ne débouchent sur aucune action concrète. Le président Ford, pour sa part, se heurte au refus du sénat de poursuivre l'aide américaine aux forces angolaises anticommunistes, et ne peut que constater, le 22 décembre, que cette attitude est « une profonde tragédie pour les amis des États-Unis ».