Indisposé par l'attitude de Washington et malgré la mise au point du secrétaire d'État américain, Henry Kissinger, selon laquelle les rapports entre les deux pays demeurent tout de même cordiaux, le Premier ministre du Canada P.E. Trudeau réplique : « Nous ne sommes pas une colonie des États-Unis. »

La démonstration de cette indépendance relative est faite à l'occasion d'un périple de onze jours, du 23 janvier au 2 février 1976, effectué par le chef du gouvernement canadien au Mexique, à Cuba et au Venezuela, trois des quatre partenaires privilégiés du Canada en Amérique latine. Si les entretiens avec le président mexicain, Luis Echeverria, et le président vénézuélien, Carlos Andres Perez, portent essentiellement sur des échanges commerciaux et culturels, le réacteur nucléaire CANDU et le pétrole, en revanche il est question avec Fidel Castro de l'intervention cubaine en Angola. Premier homme d'État d'un pays capitaliste à visiter Cuba depuis l'avènement du communisme, P.E. Trudeau s'émerveille devant les réalisations du régime et se montre plus que chaleureux envers ses hôtes. Au terme de son séjour controversé, lequel d'ailleurs coïncide avec les protestations de Washington concernant des escales à Terre-Neuve d'avions cubains venant ou allant en Afrique, il avoue comprendre la position de Cuba en Angola, même s'il ne la partage pas.

Constitution

Le nationalisme canadien s'exprime également par la volonté du gouvernement fédéral de rapatrier la Constitution du pays. Depuis 1867, l'Acte d'Amérique du Nord britannique (AANB) est une loi anglaise qui ne peut être modifiée que par le Parlement de Londres. Or, Ottawa et les provinces n'ont jamais pu s'entendre sur des modalités qui permettraient la transmission au Canada des pouvoirs constitutionnels contenus dans l'AANB.

Le 5 mars 1976, cinq ans après l'avortement de la Conférence constitutionnelle de Victoria (Journal de l'année 1971-72), P.E. Trudeau, las des discussions stériles, avertit ses homologues provinciaux qu'il songe à rapatrier unilatéralement l'AANB, avec ou sans leur consentement. Devant la section québécoise du Parti libéral canadien, quelques heures à peine après s'être vu opposer une fin de non-recevoir par le Premier ministre du Québec, Robert Bourassa, sur cette question, il se montre déterminé : « Nous sommes le seul pays au monde à ne pas détenir sa propre Constitution. On parle depuis cinquante ans de la rapatrier ; il est temps maintenant d'y procéder. »

Les dirigeants des provinces refusent de se laisser bousculer par le gouvernement central. À l'instigation du Premier ministre québécois Robert Bourassa, ils forment un front uni contre Ottawa, le 8 mars, et obtiennent l'assurance d'être consultés avant qu'une démarche ne soit entreprise auprès de l'administration britannique. Londres souhaite d'ailleurs, le 15 avril, une concertation préalable avant de se départir des pouvoirs qu'il possède sur la Constitution. Des 10 provinces, c'est le Québec qui tirera avantage d'un accord. Il réclame depuis toujours des amendements à l'AANB garantissant la survie de la culture française au Canada.

Olympiades

À Montréal, durant ce temps, ce sont les préparatifs des jeux Olympiques qui retiennent l'attention. Depuis quelques mois, le gouvernement du Québec tente de sauver la 21e Olympiade, qui, en principe, doit avoir lieu dans la métropole canadienne du 17 juillet au 1er août 1976.

En novembre 1975, à huit mois de cet événement international, la construction des installations olympiques accuse un retard tel (en raison des multiples grèves, des erreurs techniques et d'une mauvaise gestion) qu'il est sérieusement question de différer la date des Jeux ou de les tenir dans un autre pays. Par ailleurs, ce projet du maire de Montréal, Jean Drapeau, modeste au départ (Journal de l'année 1972-73), atteint le coût astronomique de 1 milliard de dollars et accumule un déficit de 800 millions. Le problème est d'autant plus grave que le gouvernement d'Ottawa refuse de participer au financement des Olympiades, faisant valoir la responsabilité indubitable des administrations montréalaise et québécoise dans cette affaire.