La cérémonie d'ouverture du canal marque, par des symboles, la portée politique de l'événement. Un destroyer pris par le président Sadate pour conduire le convoi qui emprunte la voie d'eau a été baptisé 6-Octobre, date à laquelle la guerre a été déclenchée en 1973 pour libérer les territoires occupés. Deux navires suivent le bâtiment présidentiel : le premier transporte les représentants diplomatiques des puissances étrangères, unanimes à se féliciter d'une mesure qui favorisera le commerce international et le ravitaillement du monde en pétrole ; le second (qui provoque, selon le cas, surprise ou agacement) est une unité de la VIe flotte qui témoigne des relations chaleureuses, peut-être demain privilégiées, entre les États-Unis et l'Égypte.

Après un moment de brève déception provoquée par la démission en août de Richard Nixon, avec lequel il avait noué des liens étroits, le président Sadate a continué à multiplier les gestes concrets pour gagner les bonnes grâces de Gerald Ford, le nouveau président américain. La stratégie du Rais demeure inchangée. Il s'agit pour lui de démontrer à l'administration américaine que l'Égypte se veut tout à la fois neutraliste et partie intégrante du monde occidental. Les mesures de libéralisation économique qu'il prend sont, au premier chef, destinées à favoriser l'entrée du capital et de la technologie américains.

Capitaux étrangers

Une convention est signée à cet effet le 19 août 1974. Elle harmonise les systèmes de fiscalité en vigueur dans les deux pays et écarte les obstacles qui empêchaient l'afflux de capitaux américains en Égypte. Un mois auparavant, à l'issue d'une visite d'une délégation d'experts financiers, économiques et agricoles, dirigée par le secrétaire d'État au Trésor William Simon, plusieurs accords sont conclus. Ils garantissent les investissements américains contre les risques de nationalisation ; ils prévoient la création de quatre zones franches (à Alexandrie, Suez, Port-Saïd et, pour les industries légères, dans un secteur proche de l'aéroport du Caire) dans lesquelles les capitaux étrangers pourraient s'investir en échappant à toute fiscalité. Les discussions ont porté sur la refonte du système économique égyptien dans cinq domaines : les investissements, l'industrie, l'agriculture, le commerce et la reconstruction du canal de Suez. Un centre d'études conjoint est constitué pour élaborer des projets d'investissements.

En attendant, quatre grandes banques américaines reçoivent l'autorisation d'ouvrir des succursales en Égypte. Le gouvernement du Caire, enfin, a accepté de renégocier l'indemnisation des ressortissants américains dont les biens avaient été nationalisés. Ces biens sont estimés à 7 millions de dollars.

Début août, un consortium de compagnies américaines s'engage à réaliser un vaste programme d'industries pétrochimiques coûtant 700 millions de dollars. Les autorités du Caire accordent, au cours du deuxième semestre de 1974, des concessions de prospection pétrolière à six sociétés américaines.

En contrepartie, les États-Unis fournissent une aide multiforme qui demeure relativement modeste : 300 000 tonnes de blé sont livrées en l'espace de six mois (octobre-mars) ; un prêt de 5 millions de dollars, accordé en décembre, devrait servir à installer des générateurs d'électricité dans la zone du canal ; un don de 250 millions de dollars, voté par le Congrès en mars, est offert, à condition que la moitié de la somme soit consacrée à l'achat en Amérique de machines, d'engrais et d'autres produits ; en mai, enfin, deux prêts sont octroyés, l'un de 30 millions de dollars pour financer des projets d'électrification dans la zone du canal, et l'autre de 10 millions de dollars pour la construction de routes dans la même région.

L'apothéose du rapprochement égypto-américain se produit les 1er et 2 juin 1975, lors des « très chaleureuses » rencontres à Salzbourg entre les présidents Ford et Sadate. Aucune mesure concrète n'est annoncée, mais le chef de la Maison-Blanche promet de prendre en considération les besoins économiques et surtout des vues de l'Égypte sur la manière de régler le conflit israélo-arabe. C'est notamment dans ce dernier domaine que le président Sadate compte sur le soutien américain.