Journal de l'année Édition 1975 1975Éd. 1975

À partir de ces idées maîtresses et de ces tendances, il y eut, et c'était inévitable, des déceptions et des difficultés. Déceptions surtout pour l'Europe : l'amitié nouée avec le chancelier Schmidt n'a prévalu ni sur les intérêts nationaux respectifs, notamment en matière agricole, ni sur les difficultés provoquées par les hésitations de la Grande-Bretagne à maintenir son engagement dans le Marché commun. L'Europe a donc piétiné, et à plusieurs reprises, en particulier à la conférence au sommet de Dublin les 10 et 11 mars 1975, il a bien fallu concéder, différer, accepter ce qu'on refusait la veille.

Avec les États-Unis, une première rencontre Ford-Giscard d'Estaing aux Antilles françaises avait semblé prometteuse. Là aussi, les échanges cordiaux n'ont pas tenu devant les faits. La conférence tripartite sur l'énergie préconisée par le président français n'a pu prendre corps, les États-Unis et la Grande-Bretagne ayant multiplié les objections et les obstacles au cours de la longue réunion préparatoire tenue à Paris (7-15 avril) et terminée sur un constat d'échec.

Après avoir d'abord refusé, en mai, de se rendre à un sommet de l'OTAN convoqué à l'initiative du président américain, V. Giscard d'Estaing a finalement accepté une rencontre à Bruxelles avec Gerald Ford, mais l'élan des premiers contacts a semblé aussi ralenti, voire compromis, que pouvait l'être de son côté la politique planétaire de H. Kissinger.

La première rencontre avec L. Brejnev, à Rambouillet, en décembre 1974, avait également laissé espérer un bon climat dans les relations franco-soviétiques. Mais l'esprit de Rambouillet a connu des vicissitudes, un voyage de J. Chirac en URSS a été marqué par des tensions, des incidents, et les Soviétiques reprochaient bientôt à la France de ne pas tenir, à la Conférence de sécurité, les engagements pris. La visite en France, où il était reçu comme un chef d'État, du no 3 chinois, le vice-Premier ministre Teng Hsiao-ping, venu s'adresser aux Européens pour les encourager à s'unir contre « les deux hégémonies » bien plus qu'il ne parlait aux Français, achevait de provoquer une sourde irritation à l'Est.

Si la diplomatie française a tenté d'intervenir par ses bons offices lors du retrait américain de la péninsule indochinoise, tant au Cambodge qu'au Viêt-nam, ce fut sans grand succès. Pour le Proche-Orient, on enregistrera les réceptions à Paris du président égyptien Sadate, puis du ministre des Affaires étrangères israélien Ygal Allon. Son collègue français, J. Sauvagnargues (qui fut, soit dit en passant, le plus contesté avec M. Poniatowski des membres du gouvernement Chirac), avait visité auparavant tous les pays du champ de bataille et s'était entretenu avec Yasser Arafat, leader des Palestiniens. Peu à peu, comme d'ailleurs dans d'autres domaines de la politique extérieure, on relevait un certain retour au ton gaullien et même des références au général de Gaulle, qui n'était guère invoqué ni cité aux tous premiers mois du nouveau septennat.

Enfin, plusieurs voyages présidentiels couronnés de succès (en République centrafricaine, en Algérie où l'accueil fut très cordial et au Maroc où il fut, comme en Pologne, ample et chaleureux) sont à inscrire à l'actif de V. Giscard d'Estaing.

Cependant, à côté de la politique pure, de la gestion, des réformes, de la diplomatie, la vie de tous les jours a été marquée par diverses péripéties, ainsi qu'il est normal, sans qu'aucune d'entre elles prenne des proportions véritablement alarmantes et durablement graves.

De la vie sociale, on verra d'autre part qu'elle a été faite de très nombreux conflits localisés ou limités à une branche, voire à une entreprise, en dehors de deux crises plus importantes : la grève des postes à la fin de 1974, les grèves à la Régie Renault en février-mars 1975. L'automobile n'est pas le seul secteur touché par les difficultés mondiales et par la crise de l'énergie ; la presse et l'imprimerie, le commerce, l'immobilier figurent également parmi les plus atteints. Après avoir cru un moment que l'essence allait être rationnée, après avoir été vivement engagés à économiser le fuel et les produits pétroliers, les Français se sont vite rassurés, et la douceur d'un hiver particulièrement clément a achevé d'éloigner la menace, du moins momentanément.