Pour demeurer dans le ton de la concertation régulière, le gouvernement maintient ce qu'il est convenu d'appeler le « rendez-vous mensuel » et la conférence agricole annuelle.

À ce rendez-vous avec le ministre de l'Agriculture, les dirigeants agricoles sont appelés, une fois par mois, à venir exposer leurs suggestions au ministère sur des problèmes de conjoncture.

Dans ce contexte d'incertitude, le vote de la loi sur l'organisation interprofessionnelle, proposé par le gouvernement, prend aux yeux des professionnels l'allure d'une étape décisive vers une plus grande maîtrise de leur destin.

Industries alimentaires : coup d'arrêt

L'activité des industries agricoles et alimentaires françaises (IAA) maintient en 1974 le standing du second secteur de l'économie française (derrière le bâtiment et les travaux publics) avec un chiffre d'affaires global de l'ordre de 135 milliards de francs (contre 113 milliards en 1973) ; elle enregistre toutefois vers la fin de l'année les premiers signes d'une tendance à la récession, qui se confirme d'ailleurs dans les premiers mois de 1975.

Une telle situation n'est pas sans poser aux industriels eux-mêmes comme aux pouvoirs publics des cas de conscience : cette activité emploie, en effet, quelque 530 000 salariés à temps complet et 120 000 non-salariés ; elle réalise aussi un chiffre d'affaires à l'exportation de 16 milliards de francs.

Ce malaise des IAA n'est en fait que la conséquence d'une récession qui est apparue dans l'ensemble de l'économie mondiale et française dès la fin de l'été 1974. Fournisseur de produits de première nécessité, ce secteur a donc été touché par contrecoup, sur les marchés extérieurs d'abord, puis sur le marché national. Les produits les plus élaborés et les plus chers ont été les premiers à accuser le coup (vins et spiritueux, confiserie, chocolaterie, fromages, etc.), mais les produits de premières transformations (poudre de lait, beurre, farine, etc.) pourraient être eux aussi progressivement touchés au cours de 1975.

Cette régression des ventes se conjugue aussi avec un crédit rare et cher et des prix de vente souvent taxés, qui font traditionnellement l'objet d'une surveillance attentive de la direction des prix du ministère des Finances.

Marges

Ces contraintes subies par des entreprises dont les marges autorisées sont minces (puisque soumises aussi en amont aux pressions des agriculteurs et aux fluctuations des cours internationaux) sont à l'origine des graves difficultés de ce secteur.

D'où le cri d'alarme, au printemps 1975, lancé à l'attention des pouvoirs publics par Francis Lepâtre, le nouveau président de l'Association nationale des industriels de l'agro-alimentaire : « Il est absolument nécessaire d'instaurer un plan financier à long terme. »

En 1975, les aides de l'État, bien que largement insuffisantes, sont pourtant en progression de 30 % par rapport à 1974 (soit 200 millions de francs pour les IAA et 110 millions de francs pour le stockage et le conditionnement, contre, respectivement, 155 millions et 90 millions en 1974).

Malgré ces difficultés, qui sont pourtant de nature à accélérer le rapprochement des entreprises, le rythme de restructuration (fusions, absorptions, rachats, apports partiels d'actifs, prises de participation) est en diminution : 68 accords (contre 115 en 1973 et 111 en 1972) ; ils concernent principalement les entreprises de conserves, les plats cuisinés, les surgelés et les produits laitiers, ainsi que le secteur des vins et spiritueux.

Les investissements productifs sont en tout cas différés dans les entreprises. Des secteurs comme celui de la brasserie n'hésitent pas à supprimer les établissements les moins compétitifs sans pour autant renforcer ceux qui sont rentables. Le mot d'ordre est austérité.

Ce bilan de santé du secteur des IAA (globalement décevant) a en tout cas contribué à stopper net l'appétit des grands groupes financiers ou alimentaires anglais et américains. Une tendance au décrochage est même observée au cours du premier semestre 1975. Les capitaux étrangers investis dans les IAA françaises ont, à titre indicatif, régressé à 320 millions, alors qu'ils atteignaient encore 344 millions en 1973.