Journal de l'année Édition 1975 1975Éd. 1975

Détente

Courses

Pour la première fois dans l'histoire des courses, une collusion peut être mise en évidence entre des parieurs et des professionnels à la suite du tiercé du Prix Bride-Abattue (Journal de l'année 1973-74). Quatorze jockeys d'obstacles sont présentés au juge d'instruction Michaud, qui les inculpe d'infraction à la législation sur les courses de chevaux. Parmi eux, Pierre Costes, 24 ans, qui, tête de liste au classement pour l'année 1973, devait recevoir la Cravache d'or.

Une mesure administrative d'interdiction d'hippodrome (qui entraîne, ipso facto, un retrait de licence) est signée contre eux par le ministre de l'Intérieur, Michel Poniatowski. Deux entraîneurs sont également inculpés, ainsi qu'un nombre élevé de parieurs du midi de la France qui ne peuvent fournir d'explications satisfaisantes sur la façon dont ils ont procédé pour gagner le 9 décembre 1973. Mais le véritable coup de théâtre survient avec l'arrestation d'un joueur célèbre pour les démêlés qui l'ont à plusieurs reprises opposé au PMU, mais dont la participation à cette affaire paraissait, cette fois, peu probable.

Le public découvre au grand jour un monde interlope qui peut ternir l'image de marque des courses et risque de ruiner la confiance indispensable à l'honnêteté du jeu. Mais toutes ces péripéties, finalement, paraissent rassurantes : en éliminant tous les éléments douteux, on assure la régularité des courses. Et la progression des enjeux s'accélère : le palier des 100 millions est fréquemment atteint, sinon dépassé.

Contrôle

Les rapports entre l'État et les sociétés de courses entrent dans une phase nouvelle : par un décret en date du 14 novembre 1974, les pouvoirs publics renforcent leur contrôle sur l'institution. Il prévoit la création de commissions consultatives d'éleveurs, de propriétaires, d'entraîneurs et de jockeys désignés par leurs organisations représentatives. Un Comité consultatif, présidé par le ministre de l'Agriculture, doit être créé. Il comprendra 30 membres, dont 16 (soit la majorité) représenteront l'Administration ou seront choisis par elle. Ce décret (qui renforce l'ingérence de l'État dans une entreprise privée) est loin de remporter l'adhésion de tous les dirigeants des sociétés de courses, notamment du président de la Société d'encouragement, Marcel Boussac, mais il ne demande pas le renouvellement de son mandat, et il est remplacé par Hubert de Chaudenay. Un recours est introduit auprès du Conseil d'État.

Crise

Alors que les courses devraient être à l'abri de la crise par suite de l'engouement qu'elles continuent à susciter par l'intermédiaire du tiercé, l'ombre de la récession se profile du côté des propriétaires. On en a une première expérience à Deauville lors des ventes de yearlings, où la tendance est nettement à la baisse : le prix moyen d'un pur-sang est de 22 % moins élevé que l'année précédente et seulement 65,13 % des sujets présentés trouvent un acquéreur. Mais surtout, au cours de l'année, plusieurs écuries classiques disparaissent ou réduisent considérablement leurs effectifs : les représentants de la comtesse Batthyany passent en vente publique, Daniel Wildenstein liquide toute son écurie d'obstacle, et Dupré se sépare de plusieurs poulinières, ce qui est le cas également de l'écurie Plesch. À cela, une raison économique : un cheval à l'entraînement coûte de plus en plus cher. Et pourtant, les prix de pension (déjà élevés) ne suffisent pas à couvrir tous les frais : pour obtenir enfin une révision de leurs salaires, les lads se mettent en grève et organisent une manifestation qui a une répercussion nationale puisqu'elle entrave le déroulement normal d'un tiercé. N'obtenant pas satisfaction, ils envahissent la piste de Chantilly, le 15 juin, jour du Prix de Diane, et la réunion doit être annulée.

Champions

L'usage des anabolisants et des défatigants est mis en cause à plusieurs reprises. Mais, après une année 1974 où les chevaux français connaissent le creux de la vague – nos représentants gagnent dix fois moins en Grande-Bretagne que les pur-sang anglais sur nos hippodromes –, la tendance se renverse nettement en 1975. Ce sont en effet des chevaux nés ou entraînés en France qui dominent la compétition au plus haut niveau : Val de l'Orne, Green Dancer, Mariacci, Nobiliary, Ivanjica. Après un Prix de l'Arc-de-Triomphe riche en suspense (son jockey, Yves Saint-Martin, victime d'une chute, est blessé quelques jours avant), Allez France poursuit une carrière exceptionnelle. Mais sa grande rivale, Dalhia, parait être sur le déclin. En obstacles, Dom Hélion renoue avec la tradition des cracks d'Auteuil. Et, surtout, Vincennes retrouve un crack qui suscite l'admiration tant des spécialistes que du public : c'est Bellino II. Vainqueur du Prix de Cornulier au monté, il met fin, dans le Prix d'Amérique à l'inquiétante suprématie des chevaux américains et il s'adjuge également le Prix de Paris.

Dunkirk, un excellent cheval de handicap, bouleverse la France le 20 avril 1975 à Longchamp. Ce jour-là, il vole vers la victoire dans la course du tiercé, le Prix de Plaisance. Mais brusquement c'est le drame : il s'arrête, la jambe vacillante. Il vient de se briser le canon de l'antérieur droit. À la force, à la puissance et à la beauté d'un cheval en pleine action succède, sur les écrans de télévision, l'image d'un animal désemparé, perdu. C'est insoutenable, tragique. Peut-on sauver Dunkirk ? C'est la question que se posent immédiatement tous les téléspectateurs. Ce genre d'accident entraîne généralement une injection de curare qui met fin aux souffrances du cheval. Cette fois, les vétérinaires vont tenter l'impossible : au cours d'une opération de quatre heures, ils réduisent la fracture.