Faits divers

Le temps de la violence

C'est devenu un leitmotiv : la violence prime le droit. L'honnête homme fait de plus en plus les frais de cette explosion brutale qu'on semble incapable de juguler vraiment. En dix ans, le nombre des hold-up en France s'est vu multiplier par 28 et la prise d'otages est devenue une technique courante des terroristes et des gangsters, qui n'ont plus qu'un lointain rapport avec les truands de jadis. Enfin le racisme, jamais éteint, resurgit à la moindre occasion. La violence ronge doucement et, déjà, un sentiment d'insécurité s'installe dans les villes et les villages au point que certains en arrivent à préconiser la création de milices de défense. Cette mesure, à laquelle le gouvernement s'oppose, risquerait alors de déboucher sur une escalade de la violence, escalade inévitable.

L'attentat à l'explosif est devenu aussi une pratique courante. Il ne s'est guère passé de jours sans qu'un engin n'éclate quelque part : au domicile d'une personnalité, dans une banque, dans une voiture particulière, dans un consulat, dans une perception. Ces attentats répondent aux motifs les plus variés. Leurs auteurs ne sont pratiquement jamais retrouvés. Entre janvier et juin 1975, plus d'une centaine d'attentats ont été ainsi commis.

Politique, racisme et gangstérisme sont généralement les raisons des actes de violence. Le problème palestinien est à l'origine des principaux attentats avec prises d'otages : à l'ambassade d'Arabie Saoudite à Paris, à l'ambassade de France à La Haye et à Orly. Les fedayin n'ont, jusqu'ici, trouvé qu'un moyen pour attirer coûte que coûte l'attention du monde sur le sort de leurs compatriotes : le terrorisme, avec tout ce qu'il comporte de sauvagerie et d'illogisme. Quelle pouvait être la parade des gouvernements ? La création de sections spéciales de police, de brigades antigangs et la formation de tireurs d'élite ? On a pu constater, en différentes circonstances, la quasi-inutilité de ces formations. Devant le risque de mettre en danger la vie des otages, les forces de l'ordre sont réduites à l'immobilisme et ne servent, en fait, qu'à établir un écran entre les terroristes et les badauds.

C'est là qu'apparaît le côté tragiquement absurde de certaines situations : une poignée d'individus armés, opposés à des centaines de policiers superentraînés, dictent leurs exigences. C'est le cas de l'affaire de l'ambassade de France à La Haye, le 13 septembre 1974. Trois extrémistes japonais pénètrent à l'ambassade et s'y enferment avec l'ambassadeur et huit autres personnes. Ils exigent la libération d'un de leurs compatriotes surnommé Furuya, détenu à Paris, et la remise de 300 000 dollars. Pendant cinq jours on parlemente. L'ambassade est, bien entendu, cernée par un impressionnant dispositif policier. Tout le monde est sur le pied de guerre et les tireurs d'élite sont à leur poste. Finalement, on se met d'accord : la rançon est payée, les otages libérés, en échange de Furuya qui s'envole, en compagnie de ses complices, en direction de Damas, à bord de l'avion affrété pour eux. Nul n'entendra plus parler du commando. Ils ont gagné.

Quant aux explosions de racisme, particulièrement injustifiables, elles consterneraient plutôt par leur cruauté imbécile ; la liste est longue :
– Limoges, un jeune Algérien est pris à partie et blessé par des CRS qui venaient de participer à une bagarre dans une boîte de nuit et qui l'ont pris pour l'un de leurs adversaires ;
– Marseille, à la suite du meurtre par un déséquilibré mental d'origine algérienne d'un chauffeur d'autobus, sept travailleurs immigrés sont exécutés ;
– le 18 mars, l'Algérien Mohamed Saïd Moussa (qui vient d'être libéré de prison) est mortellement blessé, au cours d'une soirée chez des amis, par des inconnus ;
– Bagneux, des policiers du commissariat de Sceaux font une descente chez Lakdhar Mehdaoui pour venger l'un des leurs qui a eu le dessous dans une rixe avec des Nord-Africains. Ils s'y mettent à dix pour tout casser. Enfin, pour faire bonne mesure, ils ramènent au commissariat Mehdaoui et son beau-fils, un jeune attardé mental, les passent à tabac : le garçon a le tympan crevé.