Il faut attendre plus d'un an (Journal officiel, 9 septembre 1973) pour qu'un arrêté classe comme médicaments (soumis à une réglementation très stricte) les produits d'hygiène contenant de l'hexachlorophène (Journal de l'année, 1973-74), ainsi qu'un certain nombre d'autres substances vénéneuses. Il faut attendre le 8 janvier 1975 pour que le conseil des ministres adopte un projet de loi concernant l'ensemble des produits d'hygiène et de beauté.

Ce texte prévoit la définition des produits cosmétiques ou d'hygiène corporelle, l'obligation de constituer un dossier, préalable à la vente, donnant la composition du produit, sa nature, ses conditions de fabrication et de contrôle, son mode d'emploi et sa destination.

Ce dossier devra être transmis à un centre antipoison et mis à la disposition des autorités d'inspection. Une substance ne pourra être utilisée que si elle figure sur une liste positive limitative. Actuellement, les industriels disposent d'une liste négative de substances vénéneuses, dont l'utilisation transforme de facto le produit d'hygiène en médicament. Hors de cette liste, les substances sont employées sans contrôle.

Les industriels de la parfumerie semblent relativement satisfaits de ce texte ; ils ont mis au point, au sein de leur syndicat, un code de déontologie qui, tout en améliorant l'autodiscipline, a essentiellement pour but de calmer les attaques répétées des organisations de consommateurs qui exigent une législation sérieuse et contraignante.

Contrôle

Les lois une fois adoptées et les réglementations publiées, encore faut-il en contrôler l'application, sanctionner leur non-respect et rendre justice aux citoyens qui ont été les victimes des manquements.

Le contrôle des pouvoirs publics laisse beaucoup à désirer ; les services du ministère de la Santé et ceux de la répression des fraudes (au ministère de l'Agriculture) manquent de moyens, en hommes et en argent. De plus, les sanctions sont souvent trop faibles, comparées aux profits illicites qui sont réalisés, pour qu'elles aient valeur d'ensemble et découragent d'éventuels contrevenants.

Mais le dommage peut être très grave (accidents mortels, troubles de santé ou pertes d'argent). Et, dans ce cas, comment se faire rendre justice devant les tribunaux ?

Magistrats, avocats, juristes, professeurs de droit sont de plus en plus conscients du problème, et certains ont entrepris des recherches sérieuses sur ce terrain. L'Association internationale des jeunes avocats, par exemple, a créé une commission permanente ; ses membres échangent des informations et étudient les moyens de mettre le barreau au service des consommateurs.

Deux importants colloques ont eu lieu à Paris sur ce sujet.

L'un, en septembre 1974, s'est tenu à l'initiative de l'Institut national de la consommation.

Responsabilité

Les participants ont constaté que la notion de contrat sur laquelle repose le droit français a perdu beaucoup de sa valeur. Qui a conscience de passer un contrat, au sens juridique du terme, en se procurant un collant à un distributeur automatique, ou en jetant dans un Caddie les produits d'épicerie nécessaires à l'alimentation familiale ? Et lorsque ce contrat est concrétisé par un engagement écrit, dans le cas d'une commande par exemple, il ne s'agit que de contrat d'adhésion, dont les clauses ne peuvent être discutées avec le commerçant ou l'industriel, même lorsqu'elles sont léonines.

Il existe bien une garantie des vices cachés qui devrait protéger le consommateur, mais la procédure est longue et coûteuse : certains procès durent plus de cinq ans, et le jeu n'en vaut pas la chandelle quand les sommes en cause sont inférieures à 3 000 francs. L'échange standard d'un matériel défectueux est donc, en conséquence, laissé à la seule discrétion du fabricant.

Si l'achat d'un bien ou d'un service est fait à crédit, les choses se compliquent encore ; un troisième acteur s'insère entre le vendeur et l'acheteur : la société de crédit règle comptant le commerçant, et c'est à elle que le consommateur doit payer les traites mensuelles qu'il a signées. Il sera poursuivi devant les tribunaux s'il n'acquitte pas sa dette, même si l'appareil livré est défectueux et même si on ne l'a pas livré du tout.