Un Soyouz du modèle vol commun est lancé à Baïkonour le 2 décembre 1974. Il est piloté par le premier des trois équipages de remplacement prévus pour le vol Apollo-Soyouz : le cosmonaute Anatoli Filiptchenko (un ancien du vol Soyouz 7) et l'ingénieur Nikolaï Roukavichnikov (membre de l'équipage de Soyouz 10). Leur mission est quadruple :
– essayer les dispositifs d'accostage par lesquels le Soyouz doit s'unir à l'Apollo ;
– s'entraîner aux manœuvres indispensables à cette opération ;
– expérimenter l'abaissement de la pression qui doit précéder la mise en communication des cabines des deux vaisseaux spatiaux (on se contentera ici de descendre de 760 à 540 mm de mercure) ;
– répéter quelques-unes des expériences que les équipages effectueront lors du vol conjoint.

Ce premier essai s'est très bien passé. La capsule a regagné le Kazakhstan le 8 décembre, après un vol de six jours.

Cette mission a permis d'étrenner le nouveau centre de contrôle des vols cosmiques de Kalinine (à 60 km de Moscou). L'installation rappelle, en plus grand, celle de Houston, aux États-Unis. Pour le vol de Soyouz 16, le centre de Kalinine était en communication directe avec 20 stations de poursuite situées tout autour du monde, auxquelles s'étaient joints deux des gros navires spécialisés dont dispose la recherche spatiale soviétique.

Saliout

Soyouz 16 n'a pas été le seul vaisseau lancé à Baïkonour au cours de ces douze mois ; deux autres l'avaient précédé et trois l'ont suivi. Ceci dans le cadre du programme permanent d'exploration de la Terre et de l'espace. La recherche spatiale soviétique n'est pas soumise aux mêmes contingences qu'aux États-Unis. Les Américains son astreints chaque fois à proposer un programme limité pour lequel un budget est approuvé. Une incertitude demeure toujours sur l'obtention des moyens financiers pour un nouveau programme sitôt le précédent achevé.

De là, l'abondante récolte d'échantillons du sol lunaire et la moisson d'observations et de mesures qui doivent permettre aux savants de travailler sans aléas durant plus d'une dizaine d'années ; ils pourront donc continuer à s'occuper de la Lune en l'absence de vols lunaires.

Une situation identique s'est produite avec la station orbitale Skylab, qui a été utilisée intensément, avec un matériel surabondant, pendant des missions prolongées.

La politique des Soviétiques est différente, puisqu'elle considère comme permanents les programmes essentiels. Ainsi, au Skylab unique utilisant comme navette les capsules excédentaires du projet Apollo, s'opposent les stations orbitales Saliout à lancer périodiquement et exploitées à l'aide de vaisseaux Soyouz spécialement conçus.

Après une laborieuse mise au point dont le Journal de l'année a retracé les étapes, les instruments de cette politique donnent maintenant satisfaction. Les stations Saliout 3 et 4, lancées respectivement le 25 juin 1974 et le 26 décembre 1974, présentent de nombreux perfectionnements. Ces engins, longs de 15,20 m, dont la masse est de 19 tonnes, peuvent être pilotés par les cosmonautes ou télécommandés du sol. Ils sont satellisés plus haut que précédemment, à environ 340 kilomètres, ce qui limite considérablement le freinage par l'atmosphère.

Leurs panneaux solaires orientables permettent un débit constant et maximal d'énergie électrique, en conservant à la station sa situation par rapport au sol. Saliout survole donc la Terre comme le fait un avion, avec son plancher toujours situé vers le bas. D'une couleur sombre, alors que les parois et le plafond sont clairs, le sol est mieux apprécié par les équipages.

Saliout est bourré d'instruments scientifiques. En astronomie, l'équipement comprend un télescope à rayons X, un autre à infrarouges, un troisième à ultraviolets et un dernier pour le spectre visible.

Les recherches portent, entre autres, sur les galaxies, la matière interstellaire et l'activité solaire. Différents instruments (radiomètres, multiples caméras photographiques) servent à des recherches sur l'atmosphère et, surtout, à la détection des ressources terrestres et à l'observation du sol à des fins pratiques (géomorphologie, feux de forêt, état des mers glacées et des glaciers, situation des récoltes).