Sciences

Prix Nobel

Physique

Tenu, en principe, de distribuer ses récompenses à des scientifiques relevant de disciplines expressément définies, le comité Nobel a su, une nouvelle fois, interpréter ce règlement en tenant compte de l'évolution de la science. Le prix de physique n'est pas allé à des physiciens au sens strict, mais à deux radio-astronomes et, moralement, par l'intermédiaire des lauréats, à toute l'équipe britannique du Mullard Radio-astronomy Laboratory de Cambridge. Née en 1932 d'une découverte fortuite, la radioastronomie a vite apporté une vision nouvelle de l'univers. Le ciel radioélectrique diffère du ciel optique : les objets apparents dans le premier sont souvent à peine visibles dans le second, et réciproquement. Aujourd'hui encore, la plupart des radiosources faibles et quelques radiosources intenses n'ont pas été identifiées avec des objets observés optiquement. Cette identification est souvent rendue incertaine par le fait que, les ondes radio étant bien plus longues que celles de la lumière, le pouvoir de résolution (ou capacité de séparer deux points voisins) d'un radiotélescope est très inférieur à celui d'un télescope optique ; les radiosources ne sont localisées qu'avec une relative imprécision. Les premières réalisations des deux lauréats ont consisté en la mise au point de dispositifs radio-astronomiques à plus haut pouvoir de résolution dans l'espace et aussi dans le temps (par la détection des variations très rapides du flux radio). Le Mullard Laboratory a ainsi découvert les radiosources à variations périodiques baptisées pulsars, qu'on identifie maintenant à des étoiles à neutrons.

Martin Ryle

Anglais. Né le 27 septembre 1918. Études à Oxford. Pendant la Seconde Guerre travaille dans les télécommunications, puis entre à l'université de Cambridge, où se déroulera le reste de sa carrière. Nommé en 1958 directeur du Mullard Radioastronomy Laboratory, il développe des techniques d'interférométrie qui inspirent des installations semblables dans le monde entier. On lui doit surtout le procédé dit « de synthèse d'ouverture » : en observant la même région du ciel avec des dispositions successives d'antennes selon divers angles et distances, on obtient une carte radioélectrique à haute résolution. L'équipe qu'il a réunie à Cambridge a beaucoup contribué aux derniers progrès de l'astrophysique et de la cosmologie. Il est devenu sir Martin Ryle, puis a reçu le titre envié de Royal Astronomer.

Antony Hewish

Anglais. Né le 11 mai 1924 à Fowey (Cornouailles). Études à Cambridge, où il obtient le grade de professeur en 1971. Devenu principal collaborateur de Martin Ryle, il participe à la mise au point de ses inventions et à l'établissement des cartes de radiosources. Son nom est particulièrement attaché à la mise en évidence d'un phénomène prévu par la théorie, la scintillation interplanétaire. Elle consiste en fluctuations rapides des radiosources dont le flux traverse le vent solaire, de la même manière que la lumière des étoiles scintille en traversant les turbulences de l'atmosphère terrestre. L'instrument conçu par Hewish pour observer ces variations aléatoires conduit à la découverte de radiosources à variations rapides périodiques, les pulsars. En 1974, Hewish a reçu le prix Holweck de la Société française de physique.

Chimie

Les polymères sont des molécules géantes (macromolécules) obtenues par juxtaposition de molécules plus petites, les monomères. Il existe des polymères naturels (soie, caoutchouc, cellulose) et des polymères artificiels (Nylon, Tergal, polystyrène, matières plastiques) qui ont pris une place considérable dans l'industrie. Étudiant les polymères en solution, Flory a établi qu'il existe un point thêta, état limite dépendant de la température et de la composition du solvant, dans lequel les molécules occupent le volume qu'elles auraient en l'absence de toute interaction avec les molécules du solvant. Les mesures effectuées dans ces conditions ont abouti à des constantes universelles qui permettent de prévoir les propriétés de nouveaux polymères sur mesure des polymères répondant à des besoins déterminés. Après avoir travaillé pour l'industrie, Flory est venu à la biologie : ses recherches actuelles portent sur les macromolécules naturelles.

Paul John Flory

Américain. Né en juin 1910 à Sterling (Illinois). Après avoir débuté en 1934 chez Dupont de Nemours, il poursuit ses travaux dans divers laboratoires industriels (Esso, Goodyear) où il dirige les services de recherche. Puis, abandonnant l'industrie, il passe à l'université Cornell, et enfin à Stanford. Théoricien et expérimentateur habile, il a été le premier à établir, entre la structure moléculaire d'un polymère et ses propriétés macroscopiques, des relations précises qui ont largement contribué à l'essor de l'industrie de synthèse. L'essentiel de son œuvre est rassemblé dans les Principles of Polymer Chemistry (1953). Il est membre de l'Académie des sciences des États-Unis.

Sciences économiques

En partageant son prix de sciences économiques, le comité Nobel semble avoir couronné volontairement deux chercheurs de tendance diamétralement opposée. Gunnar Myrdal apparaît comme un contestataire des théories libérales classiques. Il a critiqué les théories de Knut Wicksell sur les taux d'intérêt, élaboré une théorie réintroduisant les facteurs politiques dans l'analyse économique, et surtout préconisé vigoureusement le dirigisme pour réduire les inégalités de développement entre nations, dénonçant le « préjugé anti-étatiste ». Von Hayek, au contraire, s'inscrit dans la ligne des théoriciens classiques, lançant ses flèches contre tout étatisme et tout collectivisme, et attribuant les récessions au contrôle bancaire de l'économie. Les deux lauréats se retrouvent cependant dans un pessimisme commun quant à l'évolution de la crise actuelle. Pour von Hayek, l'ampleur de l'inflation mondiale annonce un effondrement, auquel les gouvernements ne pourraient échapper qu'en acceptant « un chômage substantiel ». Pour Myrdal, les pays occidentaux sont ruinés par l'inflation, qui augmente les tensions sociales, ainsi que par la drogue, le racisme et l'apathie.

Gunnar Myrdal

Suédois. Né le 6 décembre 1898. Professeur à l'université de Stockholm. Membre du Parlement. Ministre du Commerce de 1945 à 1947, puis secrétaire exécutif de la commission économique de l'ONU pour l'Europe ; démissionne en 1957. Son œuvre a d'abord porté sur la monnaie (L'équilibre monétaire, 1931), puis sur la pauvreté et le sous-développement de certaines catégories sociales (Un dilemme américain, le projet noir et la démocratie moderne, 1944) et du tiers monde (Une économie internationale, 1956 ; Théorie économique et pays sous-développés, 1957 ; etc.). Il a abouti à des constructions théoriques intégrant les facteurs économiques et les facteurs politiques (Les valeurs dans la théorie sociale, 1958 ; L'objectivité de la recherche sociale, 1970). Myrdal défend la planification et préconise pour les pays pauvres le nationalisme économique.

Friedrich von Hayek

Autrichien. Né en 1889. Théoricien des crises cycliques de surproduction, qu'il attribue aux taux d'intérêt trop faibles consentis par les banques, générateurs d'une inflation de crédit et d'une surcapitalisation (La théorie monétaire et le cycle des affaires, 1928 ; Profit, intérêt et investissement, 1944 ; Théorie pure du capital, 1944). Adversaire de la planification et du dirigisme, Friedrich von Hayek s'est livré à une critique théorique du fonctionnement des économies socialistes (L'économie dirigée en système collectiviste, 1935) et a entrepris de démontrer l'impossibilité ou la nocivité d'une gestion centralisée de l'économie. Prévoyant que la tendance à la planification se poursuivra, il recherche les moyens d'en éviter les effets les plus malsains.

Médecine et physiologie

La cellule vivante a longtemps été considérée comme une gouttelette de gelée (le cytoplasme) contenant un noyau et entourée d'une membrane. Tout à la fin du siècle dernier, on découvrit dans le cytoplasme des structures particulières, qu'on considéra d'abord comme de petits organes isolés. Ces notions de départ ont été immensément enrichies depuis une trentaine d'années, grâce à l'œuvre d'abord accomplie en pionnier par Albert Claude, puis par de nombreux scientifiques dans le monde, dont ceux qu'il avait lui-même formés à l'Institut Rockefeller (entre autres Georges Palade et Christian de Duve). Partant de l'étude des cellules infectées par le premier virus cancérigène connu, celui du sarcome de Rous, Albert Claude développa les méthodes qui permettent d'isoler les constituants cellulaires en vue de leur examen biochimique et de mettre en évidence l'extrême complexité des structures cellulaires, dont les éléments se mesurent en millionièmes ou en dix-millionièmes de millimètre. Perfectionnant encore les techniques de centrifugation et de microscopie, Palade arriva à déterminer l'organisation spatiale de ces structures, qui forment un réseau de membranes et de ribosomes. La nouvelle vision dynamique et fonctionnelle de la cellule est complétée par Christian de Duve, grâce à la découverte des lysosomes et celle des peroxysomes, autres corpuscules riches en enzymes, qu'on trouve en particulier dans les cellules spécialisées du foie et du rein. Les applications thérapeutiques de toutes ces recherches sont évidemment considérables.

Albert Claude

Belge. Né en 1898 au Luxembourg. Quitte l'école à 12 ans pour être apprenti dans une aciérie. Pendant la Première Guerre mondiale, sert dans l'Intelligence Service en Belgique occupée. En récompense, autorisé à entrer à l'Université sans diplômes. École d'ingénieurs, puis faculté de médecine de Liège. Médecin, il travaille pendant un an dans un laboratoire de Berlin, où il étudie les cultures de tissus. En 1925 il part pour l'Institut Rockefeller de New York où il met au point de nouvelles techniques d'ultracentrifugation, qui ouvrent la voie à une série de découvertes sur les cellules vivantes. Depuis 1950, il dirige l'Institut Jules-Bordet à Bruxelles.

Georges Palade

Américain. Né en Roumanie en 1912. Docteur en médecine à Bucarest en 1940. En 1946 il visite les États-Unis et se fixe à l'Institut Rockefeller, dont il devient membre et professeur en 1956, puis chef du département de biologie cellulaire en 1961. Actuellement professeur à l'université Yale. Les perfectionnements apportés par Palade à la microscopie électronique lui ont permis, en collaboration avec d'autres chercheurs de l'Institut Rockefeller, de découvrir dans la cellule un système d'organites qui furent appelés agrains de Palade, puis ribosomes : ce sont eux qui opèrent la synthèse des protéines en assemblant, conformément au programme génétique, les acides aminés fournis par la digestion.

Christian de Duve

Belge. Né le 2 octobre 1917 à Thames-Ditton en Grande-Bretagne. Docteur en médecine en 1941 a Louvain, agrégé de l'enseignement supérieur en 1945, licencié es sciences chimiques en 1946, boursier de la Fondation Rockefeller en 1947. Depuis 1962, il partage son temps entre l'Institut Rockefeller et l'université de Louvain, où il est professeur et où il dirige un laboratoire de biologie cellulaire. Son œuvre majeure en biochimie a été comparée à celle de Le Verrier en astronomie. Ayant prédit l'existence dans la cellule d'organites contenant un grand nombre d'enzymes et capables de digérer tous les constituants des tissus, il les a découverts effectivement au microscope électronique : ce sont les lysosomes, petits sacs d'un demi-micron de diamètre, dont le rôle est essentiel dans le métabolisme cellulaire.

Terre et espace

La NASA : le creux de la vague

Pour le 5e anniversaire du départ d'Apollo XI à la conquête de la Lune (16 juillet 1969), le complexe 39 de cap Canaveral, qui a servi de pas de tir aux fusées du programme « Apollo », a été classé monument national.