Sur la 3, Jean-Louis Guillaud modifie légèrement la grille à partir du 16 septembre 1974. Les émissions théâtrales du samedi et les documentaires d'évasion du vendredi sont intervertis. Les enfants peuvent suivre une émission de vingt minutes chaque jour, diffusée à leur intention. Armand Panigel brosse une vaste Histoire du cinéma par ceux qui l'ont fait. Les Grandes batailles du passé marquent des points (Cholet, Gettysburg, Mafeking, Tsushima). Une autre série évoque l'histoire des grands paquebots avec la Ligne transatlantique. Côté dramatique, notons La sonate à Kreutzer de Tolstoï, réalisée par Marcel Cravenne, L'enfant et la rivière d'Henri Bosco, Comme des ombres jumelles de Jacques Sternberg. Pierre Dumayet propose une intéressante série sur les bibliothèques de province, Des milliers de livres écrits à la main.

Grèves

Assurer le programme ne suffit pas. Ceux qui, P-DG ou employé obscur, ont un rôle à jouer dans les nouvelles sociétés doivent faire face à une double tâche. Les conditions de travail s'aggravent brusquement ; la tension monte, des grèves éclatent. Elles vont se succéder pendant de longues semaines, désorganisant les projets établis. Le programme minimal devient une réalité quotidienne. Les personnels techniques et artistiques, puis les journalistes revendiquent. Une vague générale de mécontentement, d'où la violence n'est pas exclue, s'abat sur l'Office. Le 26 novembre, la Maison de la radio et, en particulier, le bureau du président Marceau Long sont investis par les grévistes. Les forces de police interviennent. La diffusion du programme devient chaque jour problématique ; on se soucie peu du téléspectateur moyen qui paie sa redevance et redécouvre les livres, le cinéma et les radios périphériques. L'atmosphère s'alourdit et tourne au cataclysme. L'ORTF vit ses derniers jours sous le raz de marée des problèmes professionnels, humains, pratiques, quelquefois dramatiques, souvent rocambolesques de la réforme. Il faut répartir les bureaux et le matériel, des caméras aux gommes en passant par les camions, détruire les papiers à en-tête, faire disparaître les sigles, à commencer par celui de l'immeuble, transporter les dossiers et préparer les nouvelles grilles de programme.

Conformément à la loi du 7 août 1974 portant statut de la radio et de la télévision françaises, l'ORTF cessera d'exister le 1er janvier 1975 à 0 heure. Pour des questions pratiques, le calendrier établi précise que les nouvelles sociétés présenteront leurs propres grilles le 6 janvier. Les anciennes chaînes peuvent ainsi achever la diffusion des émissions spéciales prévues pour les fêtes de fin d'année. Le téléspectateur est surpris de trouver, soudain prodigue, une télévision qui s'est montrée si pauvre certains mois de l'été.

Le lendemain de la dernière soirée de l'ORTF, les critiques regrettent la Une, qui finit en beauté avec La mort d'un guide, découvrent soudain beaucoup de qualités à Pierre Sabbagh et reconnaissent qu'« avec des moyens modestes, Jean-Louis Guillaud et ses équipes ont défendu constamment un principe d'originalité et de création ».

En ce 6 janvier, alors que les spécialistes ne cachent pas leur inquiétude, le public connaît les grandes lignes de la nouvelle politique : concurrence courtoise entre les trois organismes de télévision, films beaucoup plus nombreux, libre parole et régionalisation.

Le premier soir, les téléspectateurs ne voient guère de changement ; la critique qualifie la soirée inaugurale de « caricature de l'ex-ORTF », de « parodie », de « mascarade », de « défilé de têtes fatiguées ».

Une semaine sera nécessaire aux Français – à qui l'on a expliqué que les moyens financiers sont très limités et qu'il faut liquider les affaires en cours avant de commencer à faire preuve de son propre talent – pour se familiariser avec les nouvelles grilles.

TF1

L'effort de rajeunissement, la recherche d'un style attrayant, sérieux et gai, aboutissent au maintien de quelques émissions à succès et à des innovations.