De Suède, un seul film, mais l'un des plus beaux et des plus importants de l'année. Signé, bien sûr, Ingmar Bergman. Ses Scènes de la vie conjugale ont été tournées pour la télévision et se découpaient, à l'origine, en six séquences d'une heure chacune. Élagué, coupé, remonté pour le cinéma, le film (qui dure encore près de trois heures) est un passionnant dialogue entre un homme (Erland Josephson) et une femme (Liv Ullmann). Le couple, apparemment modèle, se défait. Un film que Bergman, dit-il, a porté en lui toute sa vie. Et qui psychanalyse deux êtres dans lesquels les spectateurs ne peuvent pas ne pas se reconnaître.

Baroque

Le jeune cinéma suisse, qui fut la révélation des années précédentes, s'assagit. Claude Goretta, après le succès d'estime de L'invitation l'an dernier, a joué cette année la carte commerciale avec un film sympathique et décevant, Pas si méchant que ça, où Gérard Depardieu, P-DG d'une petite entreprise de menuiserie, conjure la faillite en pratiquant des hold-up, aidé par une Marlène Jobert sensible et plus naturelle ici que dans ses films précédents. Michel Soutter, avec Le milieu du monde, donne un film long et beau, plus fidèle à ce que l'on avait déjà vu de lui. Nouveau venu, Bertrand Van Effenterre brosse trois portraits de femmes qui doivent beaucoup à leurs interprètes, Juliet Berto, Edith Scob, Brigitte Fossey, dans Erica Minor. Enfin, du côté du courant suisse baroque, l'adaptation du Loup des steppes de Herman Hesse par Fred Haines est un échec.

Baroque, mais superbement, le film allemand de Werner Herzog, Aguirre, la colère de Dieu, est en revanche une remarquable réussite. Interprété par Klaus Kinski, mélodramatique et grimaçant (comme il l'est aussi dans L'important c'est d'aimer), ce film retrace l'épopée d'une poignée de conquistadores espagnols du temps de Pizarre, à la recherche de l'Eldorado dans la jungle amazonienne. Des images d'une très grande beauté, un sens du tragique wagnérien, une sorte de mystique de la folie grandiose, Aguirre, profondément original, reste l'une des grandes révélations de la saison.

Vitalité

Confirmation plus que révélation, Les dieux et les morts du Brésilien Ruy Guerra, chef de file du cinéma nuovo. Plus politiques, plusieurs films venus du Chili (Dialogues d'exilés de Raul Ruiz, où l'on retrouve Françoise Arnoul et Daniel Gélin, et surtout Le chacal de Nahueltoro de Miguel Littin), du Liban (L'heure de la libération a sonné, de Heiny Srour) ou d'Afrique (Les Bicots-Nègres, vos voisins, film franco-mauritanien d'Abid Med Hondo) n'ont eu qu'une carrière confidentielle. On attend davantage du beau film algérien de Lakhdar Hamina, Chronique des années de braise, révélation et Palme d'or du festival de Cannes.

Une surprise venue de l'Est : Il était une fois un merle chanteur, du Soviétique Otar Joliani, un film intimiste et frais.

Enfin, on a parlé aussi du film du Belge Samy Pavel, Miss O'Gynie et les hommes-fleurs, avec Martine Kelly, et de plusieurs films canadiens qui n'ont pas dépassé le succès d'estime, comme Les dernières fiançailles de Jean-Paul Lefèvre ou, plus politique, En pleine gueule de Jean-Claude Lord. Les ordres de Michel Brault, en revanche, également politique, ont fait sensation à Cannes.

Mais si les écrans français s'ouvrent de plus en plus aux petits pays producteurs, le public, lui, reste en très grande majorité fidèle aux œuvres familières et point trop porteuses de messages. Tout en sachant, au passage, saluer et parfois plébisciter le chef-d'œuvre inconnu. Conformisme d'un côté, mais de plus en plus soigné, vitalité, recherche de l'autre : tant que l'équilibre se maintiendra, le cinéma, finalement, se portera bien.

Plus de censure

On en parlait depuis longtemps. C'est à Michel Guy, secrétaire d'État à la Culture, qu'en reviendra le mérite : la censure cinématographique va être supprimée. Alors, plus de commission de contrôle ? Ce n'est pas tout à fait aussi net. En fait, selon les décisions gouvernementales, les films ne seront plus désormais soumis à l'autorisation préalable. Mais trois types d'interdiction demeurent : interdiction de tous les ouvrages « portant atteinte à la dignité humaine » (films de pure violence ou prônant la drogue, par exemple) ; interdiction de certains films aux mineurs de moins de dix-huit ans ou de moins de treize ans ; interdiction, enfin, de certains films à l'exportation, pour raisons d'ordre diplomatique.