Grand succès également, celui-ci plus traditionnel, pour l'inévitable James Bond, dû cette fois à Guy Hamilton. Rien pourtant de particulier à en dire, si ce n'est que cet Homme au pistolet d'or est vaincu par Roger Moore, qui remplace Sean Connery, un peu trop marqué désormais pour jouer les espions de charme. C'est pourtant, pour la production américaine, un film de Roman Polanski, Chinatown, qui, derrière La tour infernale et L'exorciste (si l'on excepte le Walt Disney de l'année, Robin des Bois, champion toutes catégories), a obtenu les faveurs les plus nombreuses du public français.

Sinueux et superbe, ce Chinatown où Jack Nicholson, avec un énorme pansement sur le nez, séduit la très belle Faye Dunaway, mêle très savamment la grande tradition du film noir, le parfum subtil d'un rétro distingué (avec en prime la présence de John Huston, passé devant la caméra) et la sanglante conclusion d'une tragédie grecque antique. Polanski y perd un peu de son originalité, mais y gagne beaucoup de dollars.

Violence

Policier de grand luxe, Chinatown n'est pas le seul à exploiter le filon de la violence. Peu de films, toutefois, resteront dans ce domaine, qu'il s'agisse des Anges gardiens de Richard Rush, de L'homme du clan de Terence Young, avec pourtant Lee Marvin et Richard Burton, ou de Contre une poignée de diamants de Don Siegel. Seul Un justicier dans la ville, de Michel Winner, a déchaîné la polémique en mettant en scène un homme d'affaires (Charles Bronson) décidé à faire lui-même régner la justice, en créant à lui seul sa milice privée. Un sujet d'actualité. Mais on a peu parlé du Robert Aldrich de Plein la gueule et guère de L'évadé de Tom Gries, avec encore Charles Bronson.

Plus intéressants, plusieurs films américains évoquent la violence politique. Ainsi l'explication (possible, en tout cas vraisemblable) de l'assassinat de John Kennedy d'Executive action, de David Milles, et surtout l'hypothèse de politique-fiction d'À cause d'un assassinat, brillamment mis en scène par Alan J. Pakula, naguère auteur de Klute, avec un très bon Warren Beatty. Moins réussi, Le vent de la violence de Ralph Nelson tente maladroitement de s'attaquer au problème de l'apartheid en Afrique du Sud.

Démythifié par Mel Brooks, le western n'a guère eu d'autre défenseur que Samuel Peckinpah, dont Apportez-moi la tête du sergent Garcia dépasse en horreur et bains de sang ses précédentes œuvres, déjà pourtant très violentes.

Indiens et shérifs cèdent plutôt la place cette saison aux monstres, dans un déchaînement d'horreur plus ou moins fantastique. Ainsi Chair pour Frankenstein de Paul Morissey, Le fantôme du paradis de Brian de Palma et Flesh Gordon de Howard Siehm et Michel Benveniste ont trouvé leur public, sans d'ailleurs prétendre à de grandes destinées.

Décevants, enfin, le Robert Altman de California Split et le Karel Reisz du Flambeur qui, tous deux, traitent d'un problème éculé mais éternel dans le cinéma américain : le jeu.

Finalement, écrasé peut-être par les superproductions, le jeune cinéma américain s'est fait timide. Seul Martin Scorsese, avec Alice n'est plus ici, a obtenu à Cannes un succès mérité. Mais si, à des titres divers, le Conrack de Martin Ritt, le Daisy Clover de Robert Mulligan, le Wanda de Barbara Loden (la femme d'Elia Kazan), Le cœur et l'esprit de Peter Davis (documentaire sur le Viêt-nam) ont retenu l'attention de la critique, il n'y a pas eu, cette année, d'explosion vigoureuse et vivifiante venue d'outre-Atlantique.

À deux exceptions près. La première, c'est Tommy, film excessif et tonitruant du Britannique Ken Russel, qui a inventé sur la musique de l'opéra rock des Who des images délirantes. La seconde, c'est un film en noir et blanc, vieux de dix-huit ans, tourné alors par un débutant. Il domine la production de l'année. C'est Les sentiers de la gloire. Stanley Kubrick y évoque les atrocités de la Première Guerre mondiale et l'histoire absurde des fusillés pour l'exemple. Grave, sobre et fort, son film était resté dans les tiroirs des distributeurs. Il n'a pas vieilli. Contre la guerre, c'est l'un des plus beaux.

Italie

Toujours aussi vivante et aussi inventive, en revanche, l'Italie reste riche en grands auteurs. Toujours les mêmes, d'ailleurs, mais qui, eux, ne déçoivent pas. Égal à lui-même bien qu'un peu plus funèbre encore après l'attaque cardiaque qui l'a frappé, Luchino Visconti rassemble dans Violence et passion (un titre qu'il récuse, préférant Conversation pieces) ses thèmes préférés, l'art, la vieillesse, la mortelle passion d'un homme âgé pour la jeunesse trop belle et cruelle. Helmut Berger, Silvana Mangano, Burt Lancaster s'y déchirent superbement, un peu longuement : une sorte de testament.