Mais à tous ses discours le souverain fait la sourde oreille. Massivement, il refuse les hausses d'impôts. Et, du même coup, il rejette l'une et l'autre version de l'assurance maladie. Quatre « non » ! Quelles que soient les circonstances, l'État n'a qu'à se serrer la ceinture, pense la majorité. Il n'aura pas de recettes supplémentaires tant qu'il ne consentira pas de coupes sombres dans ses dépenses.

Ineptie, rétorquent, en bons keynésiens, la plupart des économistes : c'est quand le marché de l'emploi se resserre et quand la stagnation commence que les pouvoirs publics doivent entreprendre des travaux, dépenser de l'argent, stimuler l'économie anémique. Le Conseil fédéral n'en est pas moins tenu de tirer les conséquences du 8 décembre. Il prépare un plan d'économies qui portera sur un bon milliard de francs. Les comptes de l'État pour 1974 se solderont par un autre milliard de déficit. Le gouvernement revient à la charge : il propose de nouveau des hausses d'impôts (à peine plus modérées que les dernières) sur lesquelles peuple et cantons se prononcent favorablement par référendum le 8 juin 1975.

Euthanasie

Alors qu'on parle finances... et avortement, l'euthanasie fait soudainement un bref mais spectaculaire tour de piste. Un magistrat zurichois. Regula Pestalozzi, directrice de la Santé publique de la ville, accuse un grand patron, le Dr Peter Haemmerli, d'avoir privé de nourriture des patients incurables d'un grand hôpital. Le Dr Haemmerli est suspendu de ses fonctions. Une enquête est ouverte. L'affaire paraît se calmer assez rapidement : les victimes recevaient des aliments liquides, les seuls qu'ils pouvaient encore assimiler. Mais une initiative cantonale aboutit en même temps à Zurich. Elle demande que l'euthanasie fasse l'objet d'une législation nouvelle. Un homme atteint d'une maladie incurable et douloureuse pourrait demander sa propre mort. Conditions : l'accord de deux médecins, un acte authentique et confirmé. La presse et la télévision lancent un grand débat qui, sans doute, restera... un débat.

23e canton

En mars 1975, le conflit jurassien rebondit. Battus en juin 1974 (Journal de l'année 1973-74), les antiséparatistes des districts du Sud ont demandé, comme ils en ont le droit, leur maintien dans le canton de Berne. Le résultat ne faisait aucun doute pour La Neuveville et Courtelary, où ils détenaient une évidente majorité. Le sort de Moutier restait incertain. Mais les trois districts prennent la même décision. Sous réserve du dernier scrutin prévu (celui des communes frontalières) ils veulent rester Bernois. Peut-être dans les décennies à venir, l'histoire changera-t-elle de cours, et les Jurassiens se retrouveront-ils unis. Pour l'instant, le 23e canton se voit réduit aux trois districts du Nord.

Désaveu

Ce même mois de mars, l'article conjoncturel est rejeté. À vrai dire, il est accepté : 542 719 « oui » contre 485 734 « non », mais les cantons forment deux camps égaux. Et, précisément, l'égalité des cantons ne suffit pas : la Constitution prescrit la double majorité. Les adversaires du projet ont fait la preuve que, minoritaires au départ, ils avaient amené le pays à comprendre et partager leurs réticences. Le Conseil fédéral essuie donc un nouveau désaveu. Rarement l'exécutif se sera trouvé d'une manière aussi spectaculaire en porte à faux.

Revenant à des préoccupations plus limitées, le Conseil fédéral prescrit le port obligatoire de la ceinture de sécurité pour les automobilistes et leur passager du siège avant. Ce qui déclenche une polémique moins dangereuse, mais très vive : les conducteurs détestent qu'on les oblige à la prudence, ou du moins, disent-ils, à la prudence telle que Berne la conçoit, puisque, dans certains types d'accident, la ceinture est plus nuisible que protectrice.

La météorologie devient, en avril, une vedette exclusive. De mémoire d'homme, on n'a jamais vu tant de neige tomber au printemps, et les avalanches, écrasant les fermes et les étables de montagne, font 7 victimes dans les Grisons, 5 au Tessin, une dans le canton d'Uri.