Car, pour les militaires de Lisbonne, il est indispensable de convaincre, non seulement pour qu'ils puissent poursuivre tranquillement leur transformation politique, mais surtout pour obtenir les investissements indispensables à cette transformation. La situation économique est très grave : l'inflation atteignait près de 35 % à la fin de 1974 ; plus de 300 moyennes et petites entreprises sont en difficulté, cependant que 200 000 travailleurs sont au chômage. Les touristes ne viennent plus et les émigrés deviennent réticents pour envoyer leur salaire (c'étaient les deux principales sources de devises). Les réserves accumulées durant son long règne par le Dr Salazar ont servi jusqu'à présent à financer la révolution. En octobre, les réserves de devises sont épuisées ; il ne reste plus qu'à entamer les stocks d'or.

La crise économique intervient à un moment peu propice. En effet, le bouleversement des structures sociales, brisées par la révolution, a tendance à déraper vers l'anarchie : grèves et manifestations, contestation et bagarres ont désorganisé les entreprises, dont la production s'est effondrée. Conseils révolutionnaires gauchistes et syndicalistes communistes s'affrontent sans que personne n'ose venir s'interposer. D'ailleurs, cette même agitation a gagné les casernes, à tel point que dans certaines unités on ne distribue plus d'armes aux soldats.

La crédibilité : c'est ce que désire avant tout et partout inspirer le gouvernement militaire, mais c'est précisément le caractère qu'on lui accorderait le moins volontiers.

Autre point noir pour les militaires : les avatars de la décolonisation.

Partis politiques

LCI : Ligue communiste internationale, trotskiste ; Francisco Sardo et José Castro.

FEC : Front électoral communiste, marxiste-léniniste.

PUP : Parti de l'unité populaire.

UDP : Union démocratique populaire.

PCP : Parti communiste portugais ; Alvaro Cunhal.

MDP : Mouvement démocratique portugais, proche du PC ; Francisco Pereira de Moura et José Manuel Tangarrinha.

FSP : Front socialiste populaire, gauche, dissident du PS ; Manuel Serra.

PS : Parti socialiste ; Mario Soarès.

MES : Mouvement de la gauche socialiste ; Luis Martis et Alfons Barros.

PPD : Parti populaire démocratique, centre gauche ; Francisco Balsemao.

CDS : Centre démocrate et social (seul parti de droite présentant des candidats aux élections).

PPM : Parti populaire monarchiste ; Rolao Preto, Ribero Teles, Ferrera Amaral.

La décolonisation

L'une des conséquences les plus importantes de la prise du pouvoir par le Mouvement des forces armées est le démantèlement complet d'un empire colonial dont l'origine remonte au XVe siècle.

Guinée-Bissau

Contrairement aux projets défendus par le général Spinola, qui comportaient notamment l'organisation d'un référendum, le sort des populations de Guinée-Bissau est réglé par négociations directes entre Lisbonne et les chefs du PAIGC, qui, en treize années de lutte armée sont parvenus à s'imposer comme les seuls interlocuteurs valables.

Le 12 août 1974, Lisbonne recommande l'admission de la Guinée-Bissau à l'ONU, avant même d'avoir officiellement reconnu l'indépendance.

Luis Cabrai fait célébrer avec solennité, le 24 septembre 1974, le premier anniversaire de l'indépendance ; il ordonne le transfert de la capitale de Bissau à Madina do Boë, capitale historique des maquis, et annonce la prise de contrôle par l'État de tout commerce. En mai 1975, les terres sont nationalisées. Le pays se referme sur lui-même ; une gigantesque épuration frappe à la fois ceux qui n'ont pas combattu avec suffisamment de zèle le colonialisme portugais et ceux qui l'ont combattu hors des rangs du PAIGC. De sérieux indices permettent de penser que l'ancienne colonie s'apprête à devenir une République populaire africaine. Le sort des îles du Cap-Vert n'est toujours pas réglé.

Sao Tomé et Principe

Dans cet archipel, le processus adopté est identique à celui qui a été retenu pour la Guinée-Bissau. Ce sont les leaders d'un petit Mouvement pour la libération de Sao Tomé et Principe (MLSTP) qui chausseront, le 12 juillet 1975, date arrêtée pour l'accession à la souveraineté internationale, les bottes des colonialistes portugais.