Dès son retour au pouvoir, Harold Wilson promet de renégocier les termes du traité d'adhésion. Ayant obtenu de ses partenaires européens des concessions substantielles, en particulier sur la contribution britannique au budget communautaire, Harold Wilson se sent en position de force pour défier ses adversaires. Aussitôt après le Conseil européen de Dublin où a été scellé l'accord entre les Neuf, dont il fait approuver le texte par les Communes le 9 avril, Harold Wilson fixe la date du référendum (5 juin 1975) et annonce qu'il fera campagne pour le « oui » au maintien de la Grande-Bretagne dans la Communauté.

On assiste alors à cette situation paradoxale d'un Premier ministre défendant une politique européenne que récusent 38 des 92 membres de son gouvernement, 145 des 319 députés de son parti, et qui est même désavoué par le congrès extraordinaire travailliste.

Les Britanniques lui donnent cependant, le 5 juin, largement raison. À la question : « La Grande-Bretagne doit-elle rester dans la CEE ? » 67,2 % des électeurs (soit 17 378 581 votants) ont répondu « oui », 32,8 % (soit 8 470 073 votants) ont répondu « non ». La participation électorale a été de 64,5 %, soit très légèrement inférieure à ce qu'elle est pour des élections législatives.

Cette victoire à 2 contre 1 apporte un double enseignement :
– la querelle du Marché commun est terminée une fois pour toutes. Le choix européen de la Grande-Bretagne est désormais irréversible. Il a été ratifié plus largement que certains ne l'espéraient ;
– la gauche travailliste, dont la campagne anti-Marché commun a été le cheval de bataille, enregistre un cuisant échec. De nombreux et puissants syndicats l'ont abandonnée sur ce point capital.

Harold Wilson a les mains libres pour procéder à un remaniement ministériel le 10 juin 1975. Mais le souci de préserver l'unité du parti limite sa marge de manœuvre. Le ministre de l'Industrie, Tony Benn, qui a orchestré la campagne anti-Marché commun, permute avec le travailliste Éric Varley, ministre de l'Énergie. Judith Hart, anti-européenne notoire, qui était chargée de la coopération, refuse le ministère des Transports et quitte le gouvernement. En fait, l'efficace coalition des « oui », qui a réuni pendant la campagne, modérés travaillistes et conservateurs, ne semble pas devoir survivre au référendum. Les temps ne sont pas encore mûrs pour un regroupement des centres au détriment des partis traditionnels. Mais le référendum a peut-être préfiguré une évolution du paysage politique britannique.

Ulster

Retour à l'ordre ancien ? Retour à la situation qui prévalait en Irlande du Nord lorsque les « troubles » éclatèrent en 1968 ?

Depuis la chute du premier exécutif interconfessionnel de la province, le 28 mai 1974 (Journal de l'année 1973-74), les protestants extrémistes refusaient toute coopération avec les catholiques.

Après de vaines tentatives de conciliation du nouveau secrétaire d'État britannique à l'Irlande du Nord, Merlyn Rees (il a, dans un geste de conciliation, reconnu l'existence légale de deux organisations extrémistes : le Sinn Fein provisoire, catholique, et la Force des volontaires de l'Ulster, protestante), Londres publie en novembre 1974 un nouveau Livre blanc.

Le document se borne à annoncer que les Irlandais du Nord seront bientôt invités à décider eux-mêmes de la forme de gouvernement qu'ils souhaitent en élisant une convention constitutionnelle. Cette convention ne sera pas chargée de légiférer, mais de faire de simples recommandations au gouvernement de Westminster. Londres y met une seule condition, mais elle est de taille : les recommandations devront prévoir une formule de partage du pouvoir entre les deux communautés.

Lassitude

Le 17 juillet 1974, un attentat à la Tour de Londres fait 1 mort et 33 blessés, pour la plupart des touristes étrangers. Aucune organisation ne revendique ce forfait, mais personne ne doute que ce soit une façon pour l'IRA provisoire de rappeler son existence menaçante.

La lassitude a gagné Londres et Belfast, comme les dirigeants de la république d'Irlande, où l'on recherche, mollement semble-t-il, les 19 provos qui s'évadent le 20 août de la prison de Portlaoise, près de Dublin. En octobre, un nouveau bilan de la guerre d'Irlande du Nord est publié : depuis 1969, le conflit a fait 1 082 morts.