Pour le reste, la vie politique demeure relativement calme. Les partis continuent leur cure de jouvence. Ainsi, le Rassemblement wallon se donne comme président P. H. Gendebien, un jeune docteur en droit, licencié en sciences économiques de l'université catholique de Louvain, âgé de 36 ans et devenu député en 1971. Au PSB (Parti socialiste belge), Willy Claes, ancien ministre des Affaires économiques, âgé d'une quarantaine d'années, prend la place de Jos Van Eynde comme coprésident national aux côtés d'André Cools. Ils ont comme interlocuteurs de leur âge Ch. F. Nothomb au PSC, André Damseaux au PLP (Parti de la liberté et du progrès, libéral d'origine, mais pluraliste), W. Martens au CVP (social-chrétien flamand) et L. Defosset au FDF. Ce rajeunissement des directions des partis a des effets sur le rajeunissement des administrations internes. C'est le gage d'un style neuf et de mentalités nouvelles dans les négociations futures.

Les congrès des partis n'ont pas encore réservé de surprises. Celui du PSB est un congrès doctrinal. Un congrès de réanimation de la « foi » dans l'action socialiste. Le fait que ce parti ait subi une série d'échecs au cours des dernières années et qu'il se trouve dans l'opposition a favorisé un durcissement doctrinal sous la poussée de la tendance de gauche, qui a profité des circonstances favorables à ses thèses.

Ce retour aux sources anticapitalistes du parti socialiste ne l'empêche en rien de rester candidat au pouvoir. Il imposera vraisemblablement à ses leaders une plus grande intransigeance dès lors qu'il s'agira de négocier une participation au gouvernement.

La question ne se pose pas dans l'immédiat. Les écueils dangereux ne manquent pas sur la route du gouvernement L. Tindemans.

Remous

Le gouvernement a été sérieusement menacé par ce qu'on a appelé l'« affaire de Schaerbeek ». La commune de Schaerbeek, l'une des dix-neuf communes de l'agglomération bruxelloise, a eu l'idée de réserver à sa minorité néerlandophone un guichet séparé, comme il en existe pour les étrangers résidant sur son territoire. Si les Flamands de la commune ne se sont jamais plaints de ce régime, celui-ci a suscité la colère des flamingants (militants nationalistes flamands).

Ils ont voulu voir dans l'instauration de cette séparation des guichets une application d'un système comparable à l'« apartheid » sud-africain. Ils ont ressenti cette mesure comme une discrimination insultante et inadmissible. Ils ont réagi en créant à plusieurs reprises des incidents dans la commune, prenant même d'assaut l'hôtel communal.

En février 1975, l'un de ces heurts avec les forces de l'ordre a causé une centaine de blessés. Après l'intervention des tribunaux, du Conseil d'État, de la Commission permanente de contrôle linguistique, du vice-gouverneur de la province et du ministre de l'Intérieur, on se trouve devant des jugements et des avis contradictoires en ce qui concerne la conformité à la législation linguistique.

Après quelques semaines, les passions se sont calmées, et peut-être d'autant plus rapidement qu'une dernière manifestation flamingante n'a réuni que quelque 2 500 manifestants face à plus de 3 000 gendarmes et policiers !

Comme toujours lorsque se produisent des incidents de nature communautaire, les ministres flamands et francophones se trouvent mal à l'aise en Conseil des ministres.

Pourtant, il est des questions propres à causer des remous beaucoup plus justifiables et plus profonds en raison de leur importance économique ; notamment celle de l'eau. Ce sont les Wallons, cette fois, qui ne sont pas d'accord pour que l'eau prélevée dans leur région serve avant tout les intérêts de la Flandre.

En vertu du traité Escaut-Rhin signé avec les Pays-Bas, la Belgique s'engage à livrer à ses voisins du nord une certaine quantité d'eau non polluée. En contrepartie, la Hollande entreprendrait des travaux maritimes favorisant le port d'Anvers. Au moment où a été signé le traité, l'idée prévalait que toute aide au port d'Anvers profitait à l'économie nationale.