La constatation que l'on est amené à faire d'emblée, c'est que les difficultés économiques ont poussé à l'arrière-plan les soucis purement politiques. Le gouvernement de L. Tindemans souffre d'un chagrin d'amour ! Le Premier ministre continue de penser avec une certaine nostalgie à cette rencontre au château de Steenokkerzeel où s'est ébauché (sans résultat) un dialogue entre Flamands et francophones. L. Tindemans espère un nouveau rendez-vous. Mais il attend une occasion particulièrement favorable.

Régionalisation

Deux de ses ministres, F. Perin (RW) et R. Vandekerkhove (CVP), chargés des réformes institutionnelles, mettent au point un texte relatif à la phase préparatoire de la régionalisation. Le Conseil d'État n'a pas suivi Marc-Antoine Pierson, chef du groupe socialiste au Sénat et juriste écouté au Parlement, qui faisait valoir que le régime provisoire de la régionalisation équivaut en fait à un commencement d'exécution de l'article 107 quater de la Constitution, qui concerne l'organisation des institutions régionales.

Si la thèse de M.-A. Pierson avait prévalu, il aurait fallu une majorité des deux tiers pour voter le projet du gouvernement. Le Conseil d'État s'est contenté d'indiquer quelques corrections à apporter au texte pour qu'une majorité simple suffise.

La régionalisation préparatoire est approuvée au Sénat par 99 voix contre 55 (socialistes et Volksunie) et 10 abstentions (FDF, libéraux bruxellois et 2 pairages). Le même schéma de vote s'est retrouvé à la Chambre (108 voix pour, 78 voix contre et 11 abstentions). Le FDF et les libéraux bruxellois (on pensait qu'ils voteraient contre le projet) ont fait taire (en partie) leurs réticences après avoir obtenu de la part du Premier ministre une déclaration à la tribune des Assemblées législatives.

L. Tindemans s'est engagé à rendre impossibles des abus que l'on pourrait commettre à l'occasion d'une référence aux articles 3 et 13 du projet en question, relatifs au domicile des sénateurs et qui fixent l'appartenance des sénateurs à l'un ou l'autre des trois conseils régionaux. Les francophones de Bruxelles ont émis la crainte de voir certains sénateurs flamands déménager et, venant s'installer à Bruxelles, renverser la majorité du Rassemblement bruxellois.

Le vote de la loi sur la régionalisation provisoire impose d'abord un nouveau remaniement gouvernemental. Le premier remaniement a lieu au mois de juin 1974 et voit la rentrée en force, au sein de l'équipe sociale-chrétienne et libérale, du Rassemblement wallon. François Perin devient ministre chargé de la Réforme des institutions, Jean Gol se voit confier, au titre de secrétaire d'État, l'Économie régionale wallonne et Étienne Knoops est nommé secrétaire d'État adjoint aux Affaires économiques.

Le deuxième remaniement a lieu en octobre 1974. Il faut nommer des ministres chargés des Affaires bruxelloises : un francophone et un Flamand. Henri-François Van Aal, ancien journaliste de la RTB, se voit confier le ministère de la Culture et les Affaires bruxelloises pour la partie francophone, et Gust de Winter (PVV, libéral flamand) devient secrétaire d'État à l'Économie régionale flamande et aux Affaires bruxelloises pour la partie flamande.

Les trois conseils régionaux sont installés officiellement fin novembre ; ils réunissent les sénateurs des trois régions. Aux sénateurs de la région de Bruxelles s'ajoutent les 42 membres du Conseil d'agglomération de la capitale. Le Conseil wallon siège à Namur, le Conseil flamand à Malines.

Il est trop tôt pour juger le travail tangible de ces organismes qui, dans l'esprit des fédéralistes, sont l'ébauche des véritables assemblées législatives régionales de demain. Dans le cadre des institutions traditionnelles, le Sénat se divise en quatre sections de 45 membres (Affaires étrangères. Affaires intérieures, Questions économiques et Questions sociales), de façon à améliorer et à accélérer son travail.

Surprise

C'est un sénateur qui a déclenché la plus grosse surprise politique de l'année. Faisant un geste sans précédent dans l'histoire politique belge, Angèle Verdin, sénateur du FDF, quitte son parti pour rejoindre le PSC (parti social-chrétien). Ce changement de camp politique a deux conséquences importantes : l'opposition et la majorité se trouvent à égalité au sein du Conseil culturel français ; le rassemblement bruxellois (FDF, Parti libéral et Indépendants) perd sa majorité au sein du Conseil régional de Bruxelles (elle était de 32 voix contre 31).