Désigné à la vice-présidence par G. Ford le 20 août, Nelson Rockefeller (66 ans), longtemps porte-drapeau de l'aile modérée du parti républicain, n'est confirmé dans ses fonctions que le 10 décembre par le Sénat et le 19 décembre par la Chambre des représentants, non sans avoir dû se livrer à d'interminables confessions sur sa fortune personnelle, ses déclarations fiscales, les cadeaux faits à ses amis, devant diverses commissions parlementaires d'enquête.

Une autre affaire envenime les relations entre le Congrès et le gouvernement. Le 17 septembre, la commission des Affaires étrangères du Sénat ouvre une enquête sur le rôle qu'aurait joué la CIA dans le renversement du régime Allende au Chili. Désigné par plusieurs quotidiens libéraux comme le principal instigateur du plan de déstabilisation du gouvernement d'Unité populaire, Henry Kissinger (dont l'ensemble de la politique est de plus en plus critiqué par les démocrates) et Richard Helms, ancien directeur de la CIA devenu ambassadeur des États-Unis à Téhéran, sont au centre de la controverse. Par la suite, d'autres activités « illégales » sont reprochées aux services secrets, et William Colby, principal responsable de la CIA, est amené à rédiger un long rapport à l'intention du président Ford. Le 4 janvier 1975, le chef de l'État confie à une commission spéciale présidée par Nelson Rockefeller et composée de « personnalités insoupçonnables » le soin d'examiner la validité des charges dirigées contre l'agence de renseignements. Mais, le 21 avril, le vice-président Rockefeller indique que la commission a acquis « l'impression » que la CIA n'a pas mené d'opérations d'espionnage « à grande échelle » sur le territoire américain. « Nous sommes arrivés à cette conclusion, déclare-t-il, après avoir étudié les grandes lignes du dossier ».

Mais entre-temps, le 20 janvier, le groupe démocrate du Sénat, sous l'impulsion des jeunes turcs de l'aile libérale (qui s'est considérablement renforcée aux élections de novembre 1974, a décidé de créer sa propre commission spéciale d'enquête bipartite sur les activités de la CIA, du FBI (sûreté fédérale) et de tous les autres services officiels de renseignements.

Finalement, la commission Rockefeller reconnaît, dans un rapport rendu public le 10 juin 1975, que depuis vingt ans la CIA se livre à des activités illégales d'espionnage et de surveillance aux États-Unis. La commission recommande un renforcement du contrôle de l'ensemble des agences américaines d'espionnage par le Congrès et par le président. Elle conseille notamment que la CIA soit placée sous le contrôle d'une commission spéciale du Congrès (au lieu de la Commission des forces armées) et que le budget de l'agence de renseignements soit rendu public.

Le chapitre relatif aux tentatives d'assassinat de personnalités étrangères (dont Fidel Castro) auxquelles la CIA aurait été mêlée n'est pas contenu dans le rapport. Il a été remis séparément à Gerald Ford, qui a refusé de le divulguer mais s'est engagé à le transmettre à la Commission sénatoriale d'enquête présidée par Frank Church, ainsi qu'au ministre de la Justice, Edward Levi. Le rapport (299 pages sous couverture bleu ciel) n'apporte à peu près rien qui n'ait déjà été publié sur les activités d'espionnage auxquelles la CIA s'est livrée dans le passé sur le territoire américain. Parmi ces activités illégales, le rapport mentionne : l'interception de courrier entre les États-Unis et l'URSS, la surveillance et l'infiltration des organisations contestataires américaines pendant la guerre du Viêt-nam, la surveillance physique et l'écoute téléphonique d'individus soupçonnés d'avoir des relations avec des organisations subversives étrangères ou de se livrer au trafic des stupéfiants entre les États-Unis et l'Amérique latine.

Il n'y a aucune preuve que la CIA ait participé à la préparation ou à l'exécution du cambriolage du Watergate ; aucune preuve non plus qu'elle ait été impliquée dans l'assassinat du président John Kennedy en novembre 1963.

Le rapport révèle encore que la CIA possède actuellement des dossiers sur 7 millions de personnes (dont 115 000 Américains) dans le cadre de ses diverses activités à travers le monde.

Watergate fin d'un cauchemar

Juillet 1974

Seize mois après avoir éclaté au grand jour, le scandale du Watergate commence manifestement à lasser l'opinion. Pourtant, le dénouement n'est plus loin et plusieurs événements vont raviver les passions. Le président Nixon a réussi à redorer son blason au cours de ses voyages en URSS et au Proche-Orient, mais la trêve obtenue sera de courte durée.