Deux autres opérations retiennent l'attention en raison des analogies qu'elles présentent : ce sont l'acquisition par Hoechst du contrôle définitif de Roussel-Uclaf et l'entrée de Nestlé dans L'Oréal avec 25 % du capital.

La chute du marché a été trop rapide et trop sévère pour ne pas appeler un correctif. Une reprise s'ébauche à la mi-décembre 1973, après que Valéry Giscard d'Estaing, alors ministre des Finances, ait proposé de nouvelles mesures de lutte contre la hausse des prix et notamment le plafonnement à 5 % de l'augmentation des dividendes. Amorcée par les achats des investisseurs qui souhaitent améliorer les cours en vue des bilans de fin d'année, la hausse se poursuit tout au long du mois de janvier, au point que l'indice général remonte de 78,8 à 92,4 (+ 17,2 %) quand il apparaît que la menace d'une pénurie de pétrole est écartée.

Or

Le climat n'est pas serein pour autant, et les incertitudes économiques autant que monétaires relancent l'attention sur l'or. Le métal jaune apparaît comme le grand vainqueur de ces temps troublés. Bien réel, il échappe autant à l'érosion monétaire qu'aux aléas économiques.

Objet d'un mythe presque aussi vieux que l'homme, il conserve son pouvoir de fascination et son attrait universel, face à l'épargnant français qui lui a toujours plus ou moins fait confiance, face à l'émir pétrolier qui peut lui consacrer une fraction de ses revenus subitement accrus.

L'incapacité des nations occidentales à s'entendre sur son rôle monétaire n'est d'ailleurs pas pour lui nuire, et sa housse se développe après la suppression du double marché. Elle porte l'once d'or à près de 180 dollars à Londres et le lingot au-dessus de 27 000 francs à Paris.

Les pièces ne sont pas en reste, à commencer par le napoléon, dont le prix sans cesse plus élevé fait la fortune des porteurs du nouvel emprunt 4 1/2 % 1973, qui a succédé à la rente Pinay. Il devient rapidement la valeur la plus en vue de la Bourse de Paris. Les chiffres confirment amplement son attrait, puisque l'emprunt assure à lui seul un volume d'affaires supérieur à celui de l'ensemble des valeurs françaises cotées à terme.

Quand mars voit les valeurs françaises de nouveau fléchir dans un marché perturbé par la grève des banques, quand la Bourse s'inquiète de l'état de santé du président de la République, le lingot continue sa marche en avant. Il a déjà fait une pointe à l'annonce, le 19 janvier, du flottement provisoire du franc. Il retrouve ces niveaux un mois plus tard et s'y maintient lorsque la Bourse s'apprête à fermer pour la grève la plus longue de ces dernières années.

Il reste alors négocié, d'abord au palais même de la Bourse, puis à l'extérieur de façon officieuse, débordant un instant le cap des 30 000 francs au lendemain du décès du président Georges Pompidou.

Grève

Cet intermède dans le conflit qui oppose aux patrons le personnel des charges d'agents de change et de la chambre syndicale sera sans lendemain. Le marché demeure clos le 3 avril et les jours suivants, obligeant les investisseurs et les actionnaires à la réflexion, évitant les ventes de panique qui auraient pu se déclencher devant la vacance du pouvoir et freinant du même coup les sorties de capitaux. Ceux qui se satisfont d'une telle situation sont nombreux.

Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que la clôture se prolonge jusqu'au premier tour des élections (ou presque), tandis que les brokers et les jobbers britanniques profitent de la situation pour multiplier leur chiffre d'affaires en actions françaises. Les jeux de ce premier tour sont d'ailleurs presque faits. Il n'en est pas de même du second, et la Bourse attend la dernière séance précédant le vote pour jouer, par une forte hausse, le succès de V. Giscard d'Estaing. Ce sera son seul témoignage en faveur du nouveau président.

Les investisseurs savent qu'il va falloir payer les récentes promesses et reprendre sérieusement la lutte contre l'inflation après le relâchement de la période électorale. Le plan d'assainissement économique et financier bientôt présenté par Jean-Pierre Fourcade, le nouveau ministre de tutelle, vise de fait à faire supporter par les entreprises l'essentiel de l'effort, tout en majorant les impôts des particuliers. Porté de 11 à 13 %, le taux de l'escompte précipite le recul du marché dont l'indice tombe à 71,2.

Les valeurs françaises ont perdu en quatorze mois le tiers de leur valeur. L'inflation a porté cette dépréciation à plus de 40 %, et l'épargne, découragée, ne sait plus où s'orienter. Mais le pire n'est jamais certain, et les niveaux dérisoires atteints par de nombreuses valeurs laissent envisager l'avenir avec un peu plus d'espoir, sous réserve que l'économie mondiale passe, sans accroc majeur, un cap qui s'annonce difficile.