La ventilation entre les diverses catégories de matériels, par contre, a évolué en 1973 exactement en sens inverse de celui qui était souhaité il y a quatre ans, lors du lancement des grands programmes civils : près de 70 % des commandes et des fabrications portent sur des matériels militaires, Mirage en tête. Malgré la politique systématique de sous-traitances croisées imposée aux constructeurs, le caractère militaire de la majorité des ventes à l'exportation favorise finalement le plan de charge de Dassault et de la SNECMA, tandis que le ralentissement du programme Concorde a entraîné une nette baisse du plan de charge à court et à moyen terme de l'Aérospatiale, sauf dans les domaines des hélicoptères et des missiles. À la demande du gouvernement, l'Aérospatiale s'est d'ailleurs dotée d'une nouvelle structure et a adopté la formule allemande du directoire et du conseil de surveillance, mis en place le 1er janvier 1974.

Mirage F-1

Les ventes des Mirage III, dont la fabrication devait s'achever vers la mi-1974, ont repris de façon étonnante, avec des commandes de complément (Pérou, Abou Dhabi) ou des commandes nouvelles (Zaïre, Arabie Saoudite), qui ont porté à 1 300 environ le nombre de Mirage vendus, en quatorze ans, à 17 pays. Le nouveau Mirage F-1, maintenant opérationnel dans l'armée de l'air française, a été commandé en avril par le Koweït, à 20 exemplaires, qui s'ajoutent aux 168 appareils déjà vendus en France, en Afrique du Sud et en Espagne. Le Mirage F-1 est fabriqué maintenant à raison de 5 exemplaires par mois, et la version F1/M.53 (dotée du nouveau moteur M.53), qui volera fin 1974, est pratiquement choisi par la Belgique, de préférence aux avions proposés par les Américains et les Suédois, ce choix entraînant à coup sûr celui des Pays-Bas, du Danemark et de la Norvège : soit un marché global de 400 avions et la certitude non seulement que le Mirage F-1 amorce une carrière au moins comparable à celle du Mirage III, mais aussi que Dassault a remporté une nouvelle victoire vis-à-vis des avionneurs américains. Un des éléments déterminants de ce succès réside dans la politique de coopération industrielle menée par Dassault.

Alpha Jet

Toujours chez Dassault-Breguet, associé pour l'occasion au constructeur allemand Dornier, le programme du petit biréacteur d'école et d'appui-feu Alpha Jet s'est poursuivi dans le respect rigoureux du calendrier annoncé. Un premier prototype a volé en octobre 1973, un second en janvier 1974, un troisième en mai. La Belgique, la première, a passé commande de 33 appareils, la France et l'Allemagne se sont engagées à en acheter 400. Le marché de l'Alpha Jet est estimé à un millier d'avions. La SNECMA et Turboméca ont développé, également dans les délais, le petit moteur Lanzac qui équipe l'Alpha Jet, et trouvera ultérieurement des débouchés civils.

Dans le domaine des voilures tournantes, l'Aérospatiale a livré son 3 000e hélicoptère et a achevé la mise au point d'une nouvelle machine de moyen tonnage, le SA-360 Dauphin, qui présente la particularité d'être le premier hélicoptère à très faible niveau de vibrations. La cabine, qui peut recevoir 10 à 13 passagers, offre un confort exceptionnel ; les premiers Dauphin de série seront livrés en 1976, d'abord en version monoturbine, puis en version biturbine (SA-365).

Chez les motoristes, Turboméca a commencé les essais d'une nouvelle turbine de 600 ch, l'Arriel (destinée précisément au SA.365), et la SNECMA a poursuivi le développement, en coopération avec General Electric, du moteur de 10 tonnes de poussée CFM.56, dont le premier exemplaire a tourné au banc en juin 1974 à Cincinnati. Le gouvernement américain a fini par lever, comme prévu, les restrictions qu'il avait imposées à General Electric pour coopérer avec la SNECMA. Les premiers CFM-56 pourront être livrés en 1978.

Airbus

Le programme Concorde a été ralenti, la fabrication ne se poursuivant plus qu'au rythme de 4 avions par an, en attendant que la situation se décante, c'est-à-dire après la mise en service effective de l'avion (en 1976) sur Paris–New York et sur Londres–New York. En attendant, une démonstration éclatante a été faite le 26 septembre 1973, sur Washington–Orly, avec l'avion 02 équipé pour transporter 32 passagers (et 8 tonnes de matériel électronique d'essais) : les 6 280 km du parcours ont été effectués en 3 h 33 mn, soit à la vitesse moyenne de 1 770 km/h. Une douzaine d'allers et retours ont été effectués ensuite entre Roissy et Rio de Janeiro, puis Boston, en mai et juin 1974. Mais le lancement d'une version améliorée de Concorde, proposée par les Français à la suite du rapport Bloch (qui mettait en avant l'intérêt d'une telle version), n'a pas été accepté par les Britanniques. La série actuelle se limite donc à 16 appareils, dont les deux premiers exemplaires ont volé en décembre 1973 et février 1974.