En 1970, le démarrage de la forte aciérie de Sacilor, en Lorraine, avait buté malencontreusement sur une de ces phases déprimées que connaît périodiquement le marché sidérurgique. Wendel-Sidelor avait été mis dans l'impossibilité de mener à bien, seul, la réalisation de Solmer.

Cette année, comme dix ans plus tôt pour Usinor à Dunkerque, Solmer a la baraka, puisque son démarrage intervient en haute conjoncture. La probabilité de tomber juste dans ce genre de prévision, s'agissant d'un projet lancé dix ans auparavant, échappe au calcul. C'est là le principal risque couru par une industrie lourde comme l'acier : il élève la concurrence au niveau du risque stratégique, engageant la vie et la mort d'une entreprise.

En l'occurrence, pour Solmer, le hasard a été favorable. Le premier effet de la mise en service des installations de Fos a été de supprimer presque entièrement le déficit de la France en demi-produits et de rétablir ainsi sa balance commerciale.

Sur le plan des échanges extérieurs, alors qu'en 1972 le tonnage de fontes et aciers importé en France (7 750 000 t) avait à peine dépassé celui des exportations des mêmes produits (7 720 000 t), les chiffres correspondants de 1973 ont été de 8 340 000 tonnes à l'importation et de 7 830 000 tonnes à l'exportation, faisant ressortir un déficit de 510 000 tonnes.

Progression

En 1974, s'ajoutant à la pleine marche de l'usine agrandie de Dunkerque et aux installations nouvelles créées par Chatillon et par la Normande, comme par Ugine et par Creusot-Loire (dans les aciers spéciaux), l'entrée en service de Solmer permet de mieux maîtriser la conjoncture, sur le plan de la production comme sur celui du commerce extérieur.

La progression de la production va être, pour 1974, et sauf accidents économiques ou sociaux au second semestre, de 8 % par rapport à 1973. Il aura été produit cette année 27,5 millions de tonnes d'acier.

Intervenant au moment où les programmes de travaux neufs du VIe Plan s'amenuisent (ils n'absorberont en 1974 que 4 milliards de francs au lieu de 5,4 en 1973), les résultats financiers encore améliorés que connaissent en 1973 et en 1974 les sociétés sidérurgiques vont leur permettre de réduire leur endettement et d'assainir leurs bilans.

C'est donc dans un contexte encourageant qu'elles vont pouvoir aborder la préparation du VIIe Plan, qui comportera comme pièce maîtresse la réalisation de la deuxième tranche de l'usine de Fos, celle qui doit donner au complexe de Solmer sa pleine rentabilité et qui verra s'associer plus étroitement et sans doute plus largement Thyssen aux deux sidérurgistes français.

Toute la question est de savoir si les conditions de départ favorables, qui inciteront à prendre une décision hardie, se prolongeront par d'aussi favorables situations commerciales à l'arrivée, c'est-à-dire quand l'usine devra se rentabiliser sur les premiers tonnages qu'elle mettra sur le marché.

Aérospatiale

Le plan de charge est maintenu

Les nuages qui commençaient à s'accumuler depuis 1972 sur l'industrie aérospatiale française et ses partenaires européens restent toujours présents, mais les conséquences prévisibles (baisse du plan de charge en particulier) ne se sont guère matérialisées, malgré la crise du pétrole et ses implications dans le domaine du transport aérien. La mévente du Mercure et surtout de Concorde a été compensée, en effet, par des ventes accrues de matériels militaires (avions, hélicoptères et missiles), liées pour certaines à cette même crise du pétrole et à l'enrichissement des pays arabes producteurs. En fin de compte, alors qu'on s'attendait à une forte baisse des commandes à l'exportation, elles se sont maintenues à un très haut niveau, puisqu'elles ont atteint pour l'année 1973 le montant inespéré de 5,47 milliards de francs, contre 3,69 en 1972 ; le record de 1970 (5,5 milliards de francs) a même failli être battu. Sur ce total, la part française des programmes menés en coopération ne dépasse pas le milliard. Les 4,5 milliards de francs restants représentent donc, à peu de chose près, des exportations de matériels français. Et, fin juin 1974, les commandes à l'exportation approchaient les 5 milliards de francs ; 1974 sera donc, pour les exportations, une année exceptionnelle.

En tête

Quant aux livraisons, elles ont atteint le montant record de 4,8 milliards, et le niveau d'emploi est finalement resté globalement stable, avec des effectifs d'environ 105 000 personnes. En dix ans (1964-1973), l'industrie aérospatiale française a exporté pour 32 milliards de matériels, contribuant ainsi substantiellement à l'amélioration de la balance commerciale.