Cette année, se manifeste à plusieurs reprises une nouvelle forme de lutte à l'intérieur même des entreprises de presse : celle de la liberté syndicale. Parce que des délégués sont révoqués ou déplacés, des conflits éclatent à Paris-Normandie, à la Dépêche de Dijon (où les journalistes s'opposent à un accord avec le Bien public et demandent que soit négocié un statut commun pour l'ensemble des personnels contrôlés par l'Est républicain), à Nice-Matin, au Courrier picard, à l'Agence Aigles. Pour entrave à l'exercice des fonctions de délégué du personnel, le directeur de l'agence est condamné à quatre mois de prison avec sursis et 5 000 F d'amende par le tribunal de grande instance de Grenoble, qui estime que de tels faits sont « graves et troublent l'ordre public social ».

Avenir

Au cours d'un déjeuner à l'Élysée, onze présidents ou directeurs de journaux exposent au président G. Pompidou leurs inquiétudes en face de l'augmentation de 20 % du prix du papier, de la hausse des tarifs postaux, de la mise en application du régime fiscal européen de la presse et de la TVA, ainsi que de la hausse des salaires. On peut penser qu'ils ne sont guère entendus puisque, deux mois plus tard, en décembre, le gouvernement dépose un amendement stipulant que les quotidiens n'ayant pas augmenté leur prix de vente en 1973 – ce qui est le cas, à Paris, seulement du Parisien libéré et de la Nation – pourront bénéficier d'une franchise d'impôt en vue de provision pour les investissements de 80 %, alors que les quotidiens ayant relevé leur prix de vente n'auront droit qu'à une franchise de 60 %. C'est une maladresse que le Sénat repousse.

Dans le cadre d'une réorganisation de l'information décidée par le Premier ministre Pierre Messmer, juste avant l'élection présidentielle, quatre organismes sont créés en février au sein du ministère de l'Information : un service juridique et technique, un service assurant la tutelle technique et financière de l'ORTF, un institut d'étude des techniques de l'information et la Délégation à l'information.

Très discutée, accueillie avec méfiance par ceux qui voient en elle un organisme de propagande gouvernementale, cette délégation est confiée à Denis Baudouin. Il se propose de diffuser l'information en partant des ministères vers les journalistes, mais également, dans le sens inverse, de trouver dans les ministères les réponses aux questions que pose la presse. Il suivra les grands dossiers, popularisera, par une traduction claire, certains projets. Au niveau des régions, un membre du cabinet de chaque préfet sera chargé des relations avec la presse. Il aura, enfin, une certaine autorité sur la Documentation française, à propos de laquelle il souhaite que cet organisme colle d'un peu plus près à l'événement. En fait, avec l'élection présidentielle survenue en mai, la délégation est demeurée en demi-sommeil.

Les clubs Perspective et Réalité, de tendance giscardienne, établissent un rapport sur le rôle et le pouvoir de la presse dans le système politique français. Ils préconisent : la création d'un Haut conseil de l'information et de la presse, chargé notamment d'élaborer un statut des responsabilités de la presse ; la création d'un fonds de développement des entreprises de presse d'intérêt général ; la création de chaînes de télévision indépendantes du monopole de l'ORTF.

Au cours d'une table ronde sur la presse, qu'il estime devoir être un antipouvoir, Valéry Giscard d'Estaing définit trois grandes orientations :
– accepter le dialogue du pouvoir et de l'antipouvoir en essayant de rechercher entre eux un « rapport équilibré et honnête » ;
– la pluralité nécessaire des moyens d'information ne se réalisera ou ne se maintiendra pas d'elle-même et suppose donc une « intervention consciente de la collectivité », notamment par l'aménagement de la fiscalité ;
– liberté de critique, pluralisme, qualité de la presse demeurent les clefs de sa survie et de son développement.

Écoutes

Droit fondamental prévu par la Constitution, la liberté d'expression n'est pas toujours admise : Libération – qui, au cours de l'année, lance un appel à ses lecteurs pour trouver des capitaux – voit ses bureaux de Lyon et de Marseille détruits par des incendies d'origine criminelle.