Un autre découpage est effectué, qui conduit, à Lyon, à la création d'une université supplémentaire. Les difficultés de l'opération se révèlent sans commune mesure avec celles qui sont apparues à Aix-Marseille : les bases du remodelage semblent cependant comparables.

Concurrence

Sans doute la loi Edgar Faure, en instituant l'autonomie des universités, prévoyait-elle la possibilité d'une concurrence entre les établissements supérieurs. Encore était-il admis que les chances devaient être égales pour toutes et que le gouvernement ne favoriserait pas les unes par rapport aux autres. En encourageant la mise en place d'institutions mieux ajustées à l'économie, mais aussi plus richement dotées, n'ouvre-t-il pas la voie à la création d'un enseignement supérieur parallèle qui tend à appauvrir les universités ?

L'exemple de l'université technologique de Compiègne est très net à cet égard. Cette fois, c'est en marge de la loi que le nouvel établissement (ouvert à la rentrée 1973) est créé pour « préparer les étudiants aux métiers d'ingénieur de haut niveau ».

Organisé par départements et non par UER, il est dirigé par un directoire (le président est nommé par le ministre) et par un conseil, formé en partie de « personnalités du monde économique ». Les professeurs (certains viennent de l'industrie) sont pour la plupart des contractuels. Le nombre des étudiants y est limité. Accusée d'être « une grande école de plus » et de dépendre du patronat, l'université de Compiègne cherche à s'intégrer à la vie économique. Les pouvoirs publics espèrent-ils tourner par ce biais la résistance des universités à une adaptation étroite au monde de l'industrie ?

Si ces cas demeurent isolés, la tendance n'en est pas moins inquiétante pour les responsables des universités. Alors que ces établissements pilotes reçoivent de nombreux concours financiers, les universités souffrent d'une insuffisance de crédits de plus en plus criante.

Malaise

Une vague de démissions parmi les présidents d'université établit, au cours de l'automne, la réalité du malaise.

L'asphyxie, dénoncée par ces dirigeants, leur semble la méthode la plus sûre utilisée par le pouvoir pour empêcher l'application de la loi d'orientation.

« J'ai par instants l'impression de revivre quelque chose comme le pourrissement du drame algérien », explique le président (démissionnaire) de l'université des sciences humaines de Strasbourg, qui affirme : « Qu'est-ce que la responsabilité lorsqu'on ne dispose pas des moyens réels de l'exercer ? » La présidente de l'université de Dijon estime que le ministère « use volontiers du principe d'autonomie pour faire retomber sur les responsables universitaires les conséquences des situations délicates, voire graves, qu'il a lui-même engendrées ». Elle s'interroge sur cette apparente « détermination politique de démantèlement du système universitaire ». Le président de l'université de Tours constate que l'autonomie ne s'exerce que sur les crédits de fonctionnement attribués, dit-il, « de façon congrue ». Il ajoute que les pouvoirs publics incitent les universités à s'adresser notamment au secteur privé.

Ainsi l'État serait-il prêt, selon cette analyse, à se décharger non seulement sur les enseignants, mais, à terme, sur le secteur privé de la gestion de l'enseignement supérieur.

Le désenchantement semble général. L'abandon dans lequel l'État paraît laisser les universités entraîne au sein de celles-ci, selon Maurice Duverger, lui-même démissionnaire du Conseil de Paris I, une « immense lassitude ». M. Duverger accuse l'État de vouloir « faire gérer gratuitement l'Université par les enseignants » et déplore le transfert de crédits et de temps qui s'opère de l'enseignement à la gestion. Les universitaires seraient conduits à négliger leurs travaux de recherche, voire leurs tâches pédagogiques, au profit de problèmes matériels et administratifs.

La plupart des usagers des universités, cinq ans après le vote de la loi, considèrent l'autonomie comme un leurre, la participation comme une illusion (les étudiants manifestent une indifférence croissante pour des élections qui font d'ailleurs, en général, l'objet d'une faible publicité), la pluridisciplinarité comme un échec (chaque UER vit repliée sur elle-même). De nouveaux mandarins ont remplacé les anciens.