À côté d'églises ou même de dénominations chrétiennes qui ne parviennent pas à s'unir ou à travailler ensemble, comme on pouvait encore l'espérer voici dix ans, de très nombreux chrétiens ont déserté ces églises, non pour se diluer dans la foule mais pour créer de nouvelles communautés de vie et de prière.

On peut donc raisonnablement se demander si l'Église, dont le monde aura grand besoin demain, n'est pas en gestation dans ces manifestations encore peu cohérentes et dont la grande peur est d'être récupérées, d'une façon ou d'une autre, par les Églises ou l'œcuménisme officiels.

On peut se le demander également dans la mesure où le sommet lui-même, conscient que le blocage de l'œcuménisme n'est que le signe d'une crise autrement profonde, participe aussi aux réponses susceptibles d'aider à sortir de l'impasse.

Finalement, personne ne s'est fait à l'idée que l'œcuménisme n'est plus tout à fait un mouvement. Des issues ont été recherchées, des réponses avancées.

Le thème même de la Semaine de prière pour l'unité est typique de cet effort : Que tous confessent : Jésus-Christ est Seigneur. Ce thème reprenait l'invitation de saint Paul aux Philippiens de n'avoir recours en période incertaine qu'à l'essentiel intangible de la foi.

La proclamation par Paul VI, le 25 décembre 1973, d'une Année sainte en 1975 est l'annonce d'une manifestation strictement catholique romaine. Cependant, le thème choisi : La réconciliation des hommes dans l'Église et hors de l'Église, est un appel explicite à un autre élément essentiel, celui de la concorde entre les hommes divisés, grâce à Celui qui est Seigneur. C'est pour cela que la préparation de cette Année sainte aura débordé l'Église romaine.

Le Dr Lukas Vischer, pasteur de l'Église réformée suisse, n'a-t-il pas écrit : « Les doutes que les chrétiens protestants ont encore vis-à-vis de l'Année sainte disparaîtraient si elle était conçue d'après l'année du jubilé de la loi juive. Elle pourrait offrir une occasion pour les Églises de s'engager ensemble pour une justice plus grande, pour la lutte contre l'exploitation économique, le développement de l'ordre social, une législation qui rende impossible la spéculation des terres, surtout dans les banlieues des villes en expansion... »

C'est ainsi que dans plusieurs pays, en Belgique notamment, toutes les Églises se sont associées pour que cette Année soit consacrée à la défense de la justice sociale.

Intentions

On a assisté, d'autre part, à des prises de positions ou actions communes, parfois, de responsables d'Églises, souvent de simples fidèles, dans les lieux du monde où les droits de l'homme sont le plus bafoués : en Irlande du Nord, la communauté œcuménique Corrymeela, animée conjointement par le R.-P. Farquhar et le pasteur Davey, n'a pas cessé d'œuvrer pour la réconciliation, avec l'appui concret des autorités catholiques et protestantes.

Au Chili, les communautés catholiques et protestantes, mal à l'aise du fait du coup d'État de la junte militaire, ont eu le courage de s'interposer pour sauver beaucoup de réfugiés politiques.

Au Sud-Viêt-nam, de véritables communautés confessantes et clandestines, aussi bien bouddhistes que chrétiennes, ont essayé d'intervenir en faveur des deux cent mille prisonniers politiques de la 3e composante internés par le général Thieu.

En Suisse, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, les Églises se sont parfois unies, comme en France, pour protester contre les ventes d'armes ou contre les politiques nucléaires.

Au Japon, bouddhistes, shintoïstes et chrétiens, unis dans un Conseil national des religions, ont protesté contre les explosions nucléaires.

En Afrique du Sud et en Rhodésie, les chefs des diverses Églises, une minorité de chrétiens de tout horizon, ont entrepris des marches de protestation et diverses actions contre la politique raciste de ces États.

Les exemples de ces tentatives de réponses, en paroles ou en actes, aux questions que pose notre temps, pourraient être multipliés. Et s'il était possible d'envisager ce qui s'est passé aux niveaux régionaux et locaux, il est probable que l'œcuménisme apparaîtrait encore comme un mouvement irréversible.

Engagement

La session 1973 du Comité central du COE s'est tenue le 22 août à Genève, afin d'y commémorer son 25e anniversaire. Le secrétaire général, Philip Potter, a évoqué dans son message les tensions actuelles entre l'Église et l'État, les tensions aussi des Églises entre elles, mais il a insisté particulièrement sur la tension croissante entre les Églises riches du Nord et les Églises pauvres du Sud. « Un rituel sado-masochiste devait-il déclarer, est en train de s'instaurer parmi nous, qui risque d'empoisonner l'atmosphère œcuménique... »