Mais une tension plus fondamentale encore apparaîtra lorsque des protestants, et souvent des Églises, auront contesté tels actes politiques et leurs gouvernements, voire l'orientation générale des systèmes sociopolitiques.

Ainsi on ne peut ignorer que l'Allemagne aura dénombré plusieurs dizaines de milliers d'objecteurs de conscience au service militaire depuis l'instauration de son statut de service civil ; que leur nombre ne cesse d'augmenter partout, en France comme ailleurs, et qu'il en existe là même où ils sont sévèrement condamnés comme en Espagne, en Italie ou en Suisse. Or, jusqu'à présent, la majorité d'entre eux est protestante, tandis que leurs Églises commencent à prendre leur parti. Sans évoquer l'affaire Lip, où la paroisse réformée de Besançon a pris position aux côtés de l'évêque catholique, sans insister sur le soutien apporté par de nombreux protestants aux paysans du Larzac, plusieurs autres faits spectaculaires ont défrayé la chronique durant des semaines.

Polémiques

Le 13 avril 1974, le Conseil permanent de l'épiscopat français et le Conseil de la Fédération protestante de France (FPF) publient en commun une note de réflexions condamnant le commerce des armes par la France aux pays étrangers et notamment aux pays du tiers monde. Le 14 juin, la Commission catholique française Justice et Paix et le Bureau du Conseil de la FPF publient une autre déclaration protestant contre les essais nucléaires français dans le Pacifique. Cette déclaration faisait d'ailleurs suite à celles de toutes les Églises protestantes riveraines du Pacifique, à des déclarations du COE, à des déclarations antérieures de la FPF et à celle, en mai 1973, du Synode national de l'Église réformée de France.

Or, répondant aux allégations de certains selon lesquels l'Église est incompétente en ces matières, les responsables de ces notes ou déclarations ont fait savoir qu'elles avaient été élaborées par des spécialistes chrétiens de l'armement, de l'économie et de la stratégie. Aussi, prenant ces textes au sérieux, une douzaine de Français (dont deux pasteurs de l'Église réformée de France) se rendent, le 18 juin 1973, à Tahiti, afin de tenir un meeting de protestation à Papeete et de croiser autant qu'il serait possible autour de l'atoll de Mururoa, où ont eu quand même lieu les essais français.

Tout cela déclenche la polémique Église-Armée, dont beaucoup pensent qu'elle ne fait que commencer.

Au même moment, deux pasteurs étrangers sont expulsés de France sur décision du ministre de l'Intérieur. Le pasteur suisse Berthier Perregaux et le pasteur écossais Andrew Parker avaient été chargés par le protestantisme français de communautés à Marseille et à Nemours. Ils étaient accusés d'avoir contrevenu « au devoir de réserve » auquel serait tenu tout étranger, le premier pour avoir pris parti en faveur de travailleurs tunisiens mal logés, le second pour avoir « fait de la politique » dans un foyer populaire de jeunes.

En fait, ces expulsions de pasteurs ont mis en lumière celles de nombreux étrangers démunis. La Fédération protestante de France, les Églises protestantes étrangères concernées ainsi que des évêques catholiques français s'élèvent énergiquement contre des mesures jugées arbitraires et contraires aux droits de l'homme.

Les motifs de tension son multiples : persécutions accélérées en URSS contre les communautés baptistes ; condamnation à la prison de pasteurs de l'Église protestante des Frères tchèques ; communautés réduites à la clandestinité en Uruguay, en Argentine ; menaces contre les institutions protestantes dans plusieurs pays africains ; débats tendus en Scandinavie à propos d'une éventuelle séparation de l'Église et de l'État ; fortes tensions aux États-Unis entre protestants noirs ou blancs pacifistes et l'administration Nixon ; liberté religieuse transformée en liberté surveillée en Espagne et au Portugal, etc.

Activités

À côté de ces faits annonçant un nouveau mode de relations entre le spirituel et le temporel, cassure définitive de ce qu'on aura nommé « l'ère constantinienne », le protestantisme mondial poursuit son activité avec un certain nombre de faits courants, et ceci en dépit des tensions internes qu'il connaît.