« Les temps sont difficiles pour le ministère pastoral des évêques, des prêtres, des diacres », constate le cardinal Marty, à Ars, le 4 août 1973, et il insiste à nouveau sur la valeur du célibat. Sans nier cette valeur, un évêque de la région parisienne, Mgr Jacques Delarue, suggère, dans une lettre adressée à tous les prêtres de son diocèse, que l'Église accepte d'ordonner des hommes mariés. L'Assemblée plénière de l'épiscopat, réunie à Lourdes du 3 au 10 novembre 1973, ne prend pas position sur ce point, mais elle s'interroge longuement sur l'organisation d'une Église qui devrait être prise en charge autant par des laïcs que par les clercs, désormais peu nombreux.

Et, bien que l'on n'en parle pas officiellement, beaucoup d'évêques s'interrogent sur une pratique nouvelle, surtout expérimentée dans des diocèses du Nord et de Normandie : des assemblées dominicales sans messe. En effet, faute de prêtres dans un certain nombre de villages, les laïcs chrétiens se réunissent ensemble pour prier, écouter les textes sacrés et se distribuer la communion. Un nouveau visage de la chrétienté se dessine progressivement.

Suisse

Les travaux du Synode 72, consultation de type démocratique qui se poursuit à la fois à l'échelon confédéral et au niveau du diocèse, créent une certaine tension entre progressistes et traditionalistes. Les évêques de Suisse alémanique constatent par exemple, dès le mois de mai 1973 : « Depuis un certain temps, la polarisation et les tensions se sont tellement accrues qu'elles dépassent toute saine mesure. Les positions se durcissent, ce qui rend impossible tout échange entre conceptions différentes. »

L'assemblée synodale, réunie à Berne les 16 et 17 février 1974, enregistre cependant quelque progrès. Elle adopte un texte relatif au cas du Pr Stefan Pfuertner, un théologien qui s'est vu signifier l'interdiction d'enseigner à l'université de Fribourg. Ce texte demande la possibilité pour un théologien accusé par le Vatican de désigner lui-même son défenseur et d'avoir accès à toutes les pièces de son dossier.

L'assemblée se divise, en revanche – et le fait est révélateur –, dès qu'elle aborde le problème de la Défense nationale. Plusieurs diocèses proposent un projet de texte qui comporte notamment cette phrase : « Le synode encourage les chrétiens et les hommes de bonne volonté à œuvrer dès aujourd'hui pour que notre pays soit à même de renoncer à la défense armée de son territoire au profit d'une défense de type non violent ». Cette déclaration est repoussée par 68 voix contre 58 et 4 abstentions. Une version de compromis est également repoussée, et le synode se sépare finalement sans avoir pu conclure sur ce point.

Portugal

La tension entre l'Église portugaise – ou du moins une grande partie – et le gouvernement de Lisbonne ne cesse de croître jusqu'au 25 avril 1974, et contribue à la chute de celui-ci. Elle est entretenue notamment par la situation au Mozambique. Le 30 août 1973, la Commission épiscopale du Mozambique déplore, dans un communiqué, les massacres de civils perpétrés dans le district de Gandali.

Le patriarche de Lisbonne, le cardinal Ribeiro, demande au président du Conseil des ministres, Marcelo Caétano, la publication immédiate de ce texte. Celui-ci refuse, et le patriarche en réfère alors au pape, qui l'appuie totalement.

Le cardinal Jean Villot, secrétaire d'État, révèle, le 22 novembre, que le Saint-Siège « a entrepris des démarches répétées (la plupart du temps sous la forme de contacts directs, parce que ceux-ci paraissaient plus appropriés et plus efficaces) pour demander que soient sanctionnés les cas éventuels d'arbitraire ou de recours à la violence, que les coupables soient punis et que les déplorables incidents de cette sorte soient évités à l'avenir ».

Un incident révélateur est rapporté le 1er décembre par la revue Vida Nueva : au retour d'un voyage du nonce apostolique, Mgr Giuseppe Maria Sensi, dans les colonies portugaises, la police a fouillé sa valise diplomatique pour en vérifier le contenu. En novembre et décembre, plusieurs militants catholiques – dont trois prêtres – sont arrêtés. Le 1er janvier 1974, l'évêque de Porto, Mgr Antonio F. Gomes, met en question l'accord missionnaire (concernant l'Angola et le Mozambique) qui existe depuis 1940 entre le Saint-Siège et le Portugal.

Espagne

Une rupture entre le Vatican et l'Espagne franquiste ? Cette éventualité, absurde voici seulement quinze ans, a failli devenir réalité en mars 1974, à la suite de l'affaire Anoveros, qui a mis en lumière la profonde dégradation des rapports entre l'Église et le régime du général Franco.