À plusieurs reprises l'acuité de cette question est apparue :
– par exemple, lorsque Mgr Guy Riobé, évêque d'Orléans, a pris position (dans un communiqué daté du 10 juillet 1973) contre les expériences atomiques de Mururoa, provoquant une vive riposte de l'amiral de Joybert, chef d'état-major de la marine : « Messieurs de la prêtrise, mêlez-vous de vos oignons », lance-t-il au micro d'un radioreporter, à la fin de la revue du 14 Juillet ;
– les chrétiens se trouvent, en outre, étroitement mêlés à l'affaire Lip ; un prêtre-ouvrier fait partie du comité d'action, et Charles Piaget ne fait pas mystère de son appartenance à l'Action catholique. Les sympathies d'une partie du clergé bisontin pour les grévistes sont telles que l'on soupçonne des paroisses d'avoir abrité le trésor de guerre des grévistes. Dès le 17 juin, l'évêque de Besançon, Mgr Lallier, s'associe à la principale revendication des grévistes : ni licenciements ni démantèlement ;
– le 12 décembre 1973, la Commission sociale de l'épiscopat publie un long document, très technique et très argumenté, qui condamne la spéculation foncière en milieu urbain et souhaite une « maîtrise accrue des sols par les collectivités locales », formule qui n'est pas sans rappeler la municipalisation des sols proposée par la gauche ;
– enfin, mais ce n'est pas une surprise, l'Église intervient dans la vie publique à propos d'un projet gouvernemental : il s'agit des mesures libéralisant l'avortement. Les évêques manifestent leur hostilité, aussi bien collectivement (communiqué du Conseil permanent de l'épiscopat, le 14 mars 1974) qu'individuellement. En octobre 1973, le cardinal François Marty, archevêque de Paris, reproche même publiquement à la revue jésuite Études d'avoir publié un article qui ne respecte pas l'orientation traditionnelle de l'Église en la matière. Et cette semonce passe d'autant moins inaperçue qu'elle n'est pas dans la manière habituelle du président de l'épiscopat français.

Apaisement

Il est vrai que celui-ci n'a guère l'occasion d'élever la voix. La contestation, de tous côtés, paraît se calmer. Une Assemblée internationale des chrétiens critiques réunit, certes, à Lyon, les 17 et 18 novembre 1973, plus de 900 contestataires de gauche, mais le temps des grandes ruptures et des déclarations fracassantes est passé. C'est à peine si l'affaire Girardi soulève, en octobre de la même année, quelques remous : théologien italien invité à professer à l'Institut catholique de Paris en 1969, après qu'il eut été exclu de l'université salésienne de Rome, le P. Girardi se voit demander par les autorités de l'Institut de ne pas poursuivre son enseignement. « Le père Girardi a reconnu, explique un communiqué officiel, qu'il manifestait dans ses leçons son option politique, son engagement révolutionnaire d'inspiration marxiste. »

De l'autre côté, au Rassemblement des silencieux de l'Église, préoccupé, semble-t-il, par des problèmes d'organisation interne, la discrétion prévaut également.

Ce relatif apaisement des esprits se manifeste clairement dans deux sondages d'opinion. Le premier, réalisé par la SOFRES et publié les 5 et 6 novembre 1973 dans le Figaro, montre que les Français approuvent en gros l'évolution de l'Église : 58 % (contre 24 %) jugent qu'elle est « mieux adaptée au monde moderne et n'a rien cédé d'essentiel » ; 74 % jugent « plutôt une bonne chose que la messe soit célébrée en français plutôt qu'en latin ». Le deuxième sondage, réalisé par l'IFOP à la demande de France-Soir, montre que la plupart des Français continuent à se réclamer de la tradition chrétienne ; 53 % d'entre eux, cependant, pensent que la foi ira désormais en diminuant. Mais, contrairement aux idées habituelles, les jeunes sont beaucoup plus optimistes à cet égard que leurs aînés.

Novations

Les problèmes, cependant, demeurent. Le plus aigu est toujours celui des prêtres. Bien que le phénomène ne soit pas aisément mesurable, il apparaît que les départs de prêtres désireux de se marier sont moins nombreux que dans les années précédentes. Cependant, les vocations se tarissent très rapidement : on comptait 917 entrées dans les grands séminaires en 1963 ; elles n'étaient plus que 243 en 1972, et 151 en 1973.