Certains lui imputent des pensées politiques rétrogrades. D'autres mettent en doute son bien-fondé scientifique.

En Grande-Bretagne, des chercheurs de l'université du Sussex, parmi lesquels Christopher Freeman, ont entrepris une critique détaillée des modèles de Dennis Meadows.

Leurs conclusions, publiées sous le titre Anti-Malthus, sont beaucoup moins pessimistes que celles du MIT. Le principal reproche qu'ils font à leurs collègues américains est que, dans les domaines où ceux-ci ne disposaient pas de données quantitatives, il les ont remplacées par des hypothèses et des évaluations arbitraires.

Pour dresser son modèle mathématique du système de l'économie mondiale, l'équipe américaine avait défini cinq sous-systèmes : ressources naturelles, population mondiale, alimentation, capital, pollution.

Or, sauf en ce qui concerne la population, les hypothèses de base de ces sous-systèmes ne sont pas satisfaisantes : « Ainsi, il n'y a aucune donnée empirique qui permette de construire le sous-système sur la pollution. Il n'y a aucun moyen de rassembler les différents dangers dus à la pollution en une donnée globale, et il y a encore moins de raison de supposer que cette menace de pollution croîtra exponentiellement avec l'augmentation des investissements en capitaux. D'une manière générale, les hypothèses du MIT s'appuient sur très peu de statistiques empiriques ; cela n'a pas empêché l'équipe de Dennis Meadows de prédire la fin brutale de la population et la ruine du système social, prédiction issue de pures spéculations et de sous-systèmes arbitraires. Il serait certes faux d'affirmer que les dangers de la pollution sont négligeables ou inexistants, mais l'équipe du MIT n'a pas trouvé les moyens de les évaluer et de les représenter dans un modèle sous une forme mathématique adéquate. Elle n'a d'ailleurs pas davantage envisagé l'éventualité de progrès techniques et sociaux dans la lutte contre la pollution. »

Ressources

L'évaluation des ressources naturelles s'est appuyée sur des données moins fragiles. Mais là encore, d'après les chercheurs britanniques, les Américains et le club de Rome ont eu le tort de confondre les gisements miniers actuellement connus et exploitables avec des limites physiques absolues.

Les quantités de matières premières disponibles dans la croûte terrestre et dans les océans sont largement suffisantes pour durer bien au-delà des délais indiqués dans le modèle du MIT. Pour ce qui est des ressources énergétiques, Christopher Freeman souligne que si les économistes des années 1870 avaient utilisé des modèles semblables à ceux du MIT, ils seraient arrivés à des conclusions radicalement fausses, car ils n'auraient tenu compte ni du pétrole ni de l'énergie nucléaire. Il n'y a aucune raison de supposer que les progrès techniques vont s'arrêter en 1974.

Les chercheurs américains ont négligé la variable la plus importante pour la prévision de l'avenir de l'humanité : le comportement des hommes et les changements sociaux. L'équipe de Meadows a voulu démontrer que les limites purement physiques entraîneraient l'arrêt de la croissance et l'effondrement du système mondial dans le siècle à venir. L'équipe de l'université du Sussex, de son côté, insiste sur le fait que les contraintes sociales et politiques sont encore plus importantes que les contraintes physiques.

Si, de nos jours, des hommes meurent de faim dans le monde, ou s'il y a une pénurie de pétrole, c'est à cause des institutions humaines et de leur insuffisance plutôt qu'à cause des limites physiques de notre planète.

Géopolitique

C'est à des conclusions voisines qu'aboutit en France Claude Guillemin, directeur du service géologique du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières), dans un ouvrage édité par le palais de la Découverte. Les produits minéraux sont pratiquement inépuisables ; l'épuisement des gisements les plus riches sera compensé par la mise au point de techniques d'exploitation des gisements moins concentrés. Peut-être connaîtrons-nous quelques décennies difficiles avant que les nouvelles sources énergétiques prennent la relève du pétrole. Il serait d'ailleurs imprudent, dans ce domaine, de miser uniquement sur le nucléaire, « domaine technologiquement difficile et potentiellement dangereux ».