Arts

Un retour de l'artiste sur soi

L'art d'aujourd'hui se placerait-il sous le patronage de Descartes ? Après avoir bruyamment proclamé leur volonté de changer la vie, peintres et sculpteurs semblent avoir pris le parti de modifier, plus que l'ordre du monde, leurs techniques, sinon leur désir. Préface à l'année artistique, la Biennale de Paris a mis en évidence un retour de l'artiste sur soi et sur ses moyens spécifiques d'expression : d'où un refus très net des machines et des œuvres technologiques, un intérêt particulièrement vif pour les précurseurs (les grandes rétrospectives Braque, Gris, Munch, ou l'exposition consacrée au futurisme) ou les formes spontanées et aléatoires de l'art (assemblages de Dubuffet, organisations du process art). Jusqu'aux réalistes, plus ou moins au-delà de la réalité, qui voient réapparaître, à travers les formes neutres d'un pneumatique ou d'une machine à coudre, ces mouvements indéfinissables annonciateurs de la conscience.

Braque

Dix ans après la mort du peintre, les 130 tableaux exposés – certains pour la première fois – à l'Orangerie des Tuileries (octobre 1973-janvier 1974) ont donné à l'œuvre de Braque une dimension nouvelle et mystérieuse. Des premières explosions fauvistes au déroulement grandiose des « Ateliers », l'itinéraire de celui en qui l'on révère volontiers une manifestation exemplaire du génie classique et français apparaît beaucoup moins rectiligne. Pour être méthodique, sa progression n'en est pas moins faite de rejets et de retours, de fulgurances et de pauses : comme les révélations complémentaires et contradictoires de Picasso et de Corot, de Cézanne et de Seurat culminent dans les papiers collés de 1912, l'intimisme un peu froid des Guéridons et la délicatesse des natures mortes des années 30 trouvent leur aboutissement dans les Oiseaux des dernières années, où le vol tendu n'est plus que le signe de la consistance du ciel ou du feuillage.

Juan Gris

Est-ce à sa formation scientifique à l'École des arts et manufactures de Madrid ou à sa pratique du dessin publicitaire que Juan Gris doit d'être, selon l'expression de Braque, la « conscience » du cubisme ? L'exposition de l'Orangerie des Tuileries (mars-juillet 1974) montre en tout cas le souci de rigueur et de précision d'une œuvre qui relève autant de l'architecture que de la peinture, et dont la principale caractéristique réside dans sa théâtralité.

Dubuffet

Art brut ? a-culturel ? Trois cent quatre-vingts peintures, sculptures, dessins, aquarelles, plus le tableau animé de Coucou bazar, présentés par le CNAC au Grand Palais (septembre-décembre 1973), ont permis de dégager les lignes de force de la prolifération créatrice de Dubuffet, quand ce ne serait que la mise en évidence de ce que l'artiste considère comme son point fort, la perplexité. La peinture, comme la beauté, lui apparaît « chose purement mentale », art d'organiser les merveilleuses rencontres des objets quotidiens, de provoquer la promiscuité des règnes, des matières, des gestes, des projets. D'où la figure insistante du puzzle, en quoi s'imbriquent et se résument texturologies, topographies, matériologies et autres assemblages d'empreintes.

Filiou

Dérision de l'art bourgeois ou insidieuse complaisance à l'égard de la société de consommation ? Non contents d'encombrer chaque heure de notre vie quotidienne, les objets sophistiqués ou dérisoires qui sont l'humus de l'existence s'offrent dans l'espace traditionnellement réservé à l'évasion esthétique : la Neue Galerie d'Aix-la-Chapelle a prêté à l'ARC quelques-uns de ses instruments les plus perfectionnés dans l'exploration obsessionnelle de la réalité.

Boccioni

Combinant les leçons de Cézanne et de Picasso, cherchant à la fois à dissoudre les contours de l'objet et à vaincre la résistance de l'espace, Umberto Boccioni s'est affirmé, par son œuvre peint et sculpté, comme la figure la plus originale et la plus lucide du futurisme.

Munch

Pour sa dernière grande exposition dans ses salles de l'avenue du Président-Wilson (mars-mai 1974), le musée d'Art moderne a choisi d'étirer sur ses cimaises la grande frise des angoisses et des phobies d'Edvard Munch.