C'est d'ailleurs dans les deux domaines (religieux et linguistique) que se manifeste le plus souvent le nationalisme des républiques soviétiques. D'où la dénonciation des « influences néfastes » du culte catholique (dans les républiques baltes et en Ukraine) ou musulman (en Azerbaïdjan et dans les républiques asiatiques). La disparition des inscriptions en russe, l'apparition de samizdats en tangues nationales irritent les dirigeants soviétiques.

Le Kremlin et les dissidents

Les chefs de file de l'intelligentsia contestataire répondent au durcissement des autorités par une série de nouveaux défis. Andreï Sakharov multiplie les interviews et les déclarations. Alexandre Soljenitsyne fait publier en France, par une maison d'édition russe, l'Archipel du Goulag, vaste fresque historique de l'univers concentrationnaire soviétique sous Staline.

Après une vigoureuse campagne de presse destinée à préparer l'opinion publique, les autorités soviétiques décident d'arrêter l'écrivain le 11 février 1974. Le 13 février, l'agence Tass publie le communiqué suivant : « Par décret du praesidium du Soviet suprême de l'URSS, Soljenitsyne, pour avoir systématiquement mené des activités incompatibles avec le statut d'un citoyen soviétique et portant préjudice à l'Union des républiques socialistes soviétiques, a été déchu de la citoyenneté soviétique et, le 13 février 1974, il a été expulsé au-delà des frontières de l'URSS ; la famille de Soljenitsyne pourra le suivre dès qu'elle l'estimera nécessaire. »

L'auteur de l'Archipel du Goulag est accueilli à Francfort par l'écrivain allemand Heinrich Böll, lui aussi prix Nobel. Au terme de plusieurs voyages, sans cesse poursuivi par une meute de journalistes et de photographes, Soljenitsyne, que de nombreux pays ont invité, décide de s'établir en Suisse.

Sa famille l'y rejoint quarante-cinq jours plus tard.

L'expulsion de Soljenitsyne suscite de nombreuses et vigoureuses réactions dans le monde.

Au sein même de l'intelligentsia contestataire, l'affaire Soljenitsyne suscite tout d'abord un vaste mouvement de solidarité, qui se traduit par la publication, en mars, d'un livre blanc de 184 pages, présenté par le physicien Sakharov et le mathématicien Chafarevitch. La réaction des autorités est relativement énergique. Plusieurs contestataires sont arrêtés, d'autres, tels l'écrivain Victor Nekrassov, sont priés de quitter Moscou.

Déjà divisée sur la détente entre l'Est et l'Ouest (Sakharov y est hostile tant que Moscou n'acceptera pas de libéraliser le régime, Medvedev y est favorable, estimant qu'une coopération contribuera directement à une libéralisation), l'opposition se divise aussi sur la Lettre ouverte aux dirigeants de l'Union soviétique, rédigée par Soljenitsyne en septembre 1973, mais publiée seulement en mars 1974.

Andreï Sakharov en critique vivement l'esprit « nationaliste » et à la limite rétrograde, alors que certains opposants approuvent les conclusions de Soljenitsyne.

En avril, la Chronique des événements courants (principal samizdat) réapparaît.

En mai, les autorités décident, au dernier moment, d'annuler les cérémonies prévues pour le 250e anniversaire de l'Académie des sciences.

Yougoslavie

Belgrade. 20 770 000. 81 1 %.
Économie. Production : G (70) 154 + A (*71) 131 + I (71) 186. Énerg. (*71) : 1 608.
Transports. (*71) : 10 566 M pass./km, 19 653 M t/km. (*71) : 875 400 + 138 100.  : 1 588 000 tjb. (*71) : 653 M pass./km.
Information. (70) : 24 quotidiens ; tirage global : 1 738 000. (71) : 3 476 000. (71) : 2 061 000. (70) : 488 700 fauteuils ; fréquentation : 86,3 M. (71) : 821 000.
Santé. (71) : 21 902. Mté inf. (70) : 55.
Éducation. (69). Prim. : 2 857 291. Sec. et techn. : 705 746. Sup. : 239 701.
Institutions. République populaire, proclamée le 29 novembre 1945. Devient République fédérale le 31 janvier 1946. Constitution de 1963, amendée pour la quatrième fois en février 1974. Président à vie de la République et président à vie du Parti : Josip Broz Tito, par décision du 16 mai 1974. Président du conseil exécutif fédéral : Djemal Bjeditch.

Tito président à vie

Âgé de 82 ans, le maréchal Tito se voit proclamé président à vie de la République fédérative et socialiste de Yougoslavie (16 mai 1974), puis, lors du Xe Congrès de la Ligue des communistes de Yougoslavie, président à vie du Parti. Cette double distinction, sans précédent en Europe et dans le monde communiste, couronne certes une carrière extraordinaire ; elle traduit également la place exceptionnelle de Josip Broz Tito à la tête du pays et du parti, et confirme par là même la crainte du vide que laisserait sa disparition.